Alors que commencent à circuler les premiers documents du CSTB précisant les avancées de cette nouvelle réglementation, et que comme à chaque nouvelle réglementation, la filière trépigne sur les miettes d’information récupérables… Pendant ce temps la, la loi Grenelle II poursuit son chemin. Elle est passée par l’assemblée nationale et vient d’être votée le 9 octobre en première lecture au sénat. L’heure est donc venue d’avoir les réponses aux questions posées sur le billet Rt2012 : comment la faire appliquer ?
Finalement, le texte de loi adopté le 9 octobre 2009 au sénat en première lecture fixe une procédure peu contraignante et résout le problème soulevé par notre précédent article, qui posait la question de la compétence de la DDE pour analyser une étude thermique (pièce obligatoire pour obtenir un permis de construire), et le type de contrôles exigés à la livraison d’une maison. La réponse apportée par nos législateurs est dans la continuité des pratiques actuelles.
« – pour les constructions nouvelles en fonction des différentes catégories de bâtiments, les caractéristiques énergétiques et environnementales et la performance énergétique et environnementale, notamment au regard des émissions de gaz à effet de serre, de la consommation d’eau ainsi que de la production de déchets liée à l’édification, l’entretien, la réhabilitation et la démolition du bâtiment ; »
« Art. L. 111-9-1. – Un décret en Conseil d’État définit les conditions dans lesquelles, à l’issue de l’achèvement des travaux de bâtiments neufs ou de parties nouvelles de bâtiment soumis à permis de construire, le maître d’ouvrage fournit à l’autorité qui a délivré le permis de construire un document attestant qu’il a pris en compte la réglementation thermique, cette attestation devant être établie, selon les catégories de bâtiments neufs ou de parties nouvelles de bâtiment soumis à permis de construire, par un contrôleur technique mentionné à l’article L. 111-23, une personne répondant aux conditions de l’article L. 271-6 ou un architecte au sens de l’article 2 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, qui ne peuvent être ceux qui ont contribué, directement ou indirectement, au projet. » ;
Sur la notion qui recouvre le terme « document », le débat du texte au sénat nous renseigne, notamment sur le fait que celui ci ne fait pas référence à une étude thermique.
http://www.senat.fr/seances/s200909/s20090916/s20090916002.html
Le maître d’ouvrage n’a plus à fournir une étude thermique au moment du permis de construire mais simplement une attestation selon laquelle il s’engage à respecter la réglementation thermique. A la livraison de la construction, un DPE est fait soit par un diagnostiqueur reconnu soit par un architecte (?), et c’est ce document qui est remis à l’autorité administrative qui a donné le permis de construire. Donc, finalement tout reste dans la continuité de ce qui se pratique déjà. La réglementation thermique est obligatoire. Le DPE doit être fait à la livraison de la maison. Rien n’obligera toutefois le maître d’ouvrage à faire réaliser une étude thermique réglementaire qui validera les garde fous de consommation énergétique. Personne ne contrôlera au niveau des administrations en phase amont que cette exigence est respectée. Un diagnostiqueur fera un simple DPE à la livraison du bâtiment, et c’est tout. Faut il le préciser, le DPE donne des résultats fantaisistes d’une manière générale et particulièrement sur les maisons basse énergie. Et il ne permet pas de valider le respect de la RT2012. Nous nous dirigeons donc tout droit vers les mêmes dérives qu’actuellement, à savoir que la majorité des maisons construites ne respectent pas la RT2005 et ne respecteront pas la RT 2012.
Les arguments évoqués pour ne pas imposer la fourniture d’une étude thermique à la livraison du bâtiment lors la discussion de cette partie de la loi sont en tout cas stupéfiants. Appréciez :
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune. L’amendement n° 128, présenté par M. Biwer et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé : I. – Dans le premier alinéa du texte proposé par le 2° du I de cet article pour l’article L. 111-9-1 du code de la construction et de l’habitation, remplacer les mots : un document attestant qu’il a pris en compte la réglementation thermique, cette attestation devant être établie par un contrôleur technique par les mots : une étude thermique attestant qu’il a pris en compte la réglementation thermique, cette étude thermique devant être établie par un contrôleur indépendant II. – En conséquence, procéder à la même substitution dans le premier alinéa du texte proposé par le 4° du I de cet article pour l’article L. 111-10-2 du même code.
La parole est à M. Claude Biwer.M. Claude Biwer. Le diagnostic de performance énergétique n’offre pas toujours la fiabilité souhaitée. Plutôt que d’alourdir, pour les particuliers ou les professionnels, les contrôles ayant pour objectif de s’assurer du respect de la réglementation thermique après travaux par des méthodes incompatibles entre elles, à savoir le diagnostic de performance énergétique, ou DPE, pour les constructions neuves, et l’étude thermique, il paraît plus simple et plus cohérent de proposer une seule et unique méthode de mesure de la performance énergétique, à savoir l’étude thermique, qui se substituerait au DPE. La méthode proposée présenterait l’avantage, pour les particuliers, de ne pas alourdir les systèmes de mesures, incompatibles entre eux, et de ne laisser subsister qu’un instrument de mesure, l’étude thermique, reconnue comme un système techniquement très fiable et précis. Tel est l’objet de cet amendement.
[…]
La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur, […] pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 128 et 262 rectifié bis.
M. Dominique Braye, rapporteur. […] En ce qui concerne l’amendement n° 128, ainsi que l’amendement n° 262 rectifié bis qui est quasiment identique, l’attestation de prise en compte de la réglementation thermique dont il est question à l’article 1er doit être distinguée de ce qu’il est convenu d’appeler l’étude thermique. Dans la rédaction actuelle relative aux bâtiments neufs, le maître d’ouvrage produit, au moment du dépôt du permis de construire, une attestation selon laquelle il s’engage à respecter la réglementation thermique. Messieurs Biwer et Revet, la disposition que vous proposez pose en fait un double problème Premièrement, il n’est pas possible de réaliser une étude thermique avant l’achèvement de la construction. Deuxièmement, si le coût d’un DPE est relativement modique – je n’ai pas le montant exact, mais il doit osciller entre cinquante et cent euros –, celui d’une étude thermique est beaucoup plus lourd. Il n’est donc pas souhaitable de contraindre le maître d’ouvrage à en réaliser une, au risque de renchérir considérablement le prix de la construction , d’autant que ce professionnel s’engage à respecter la réglementation thermique. Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer les amendements nos 128 et 262 rectifié bis. À défaut, je serai contraint, au nom de la commission, d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 128 et 262 rectifié bis.[…]
[…]
M. Dominique Braye, rapporteur. Messieurs Biwer et Revet, rassurez-vous : tout comme vous, je ne souhaite pas rajouter de contrôles ! D’ailleurs, la seule obligation pesant sur le maître d’ouvrage au moment du dépôt du permis de construire est son engagement à respecter la réglementation thermique. Il ne pourrait pas faire plus : le bâtiment n’étant pas encore construit, aucune étude thermique n’est réalisable. Le dispositif proposé est relativement simple et beaucoup moins onéreux. En tout cas, pour l’instant, il n’est pas du tout prévu dans le projet de loi d’imposer d’autres contrôles en aval. (M. Claude Biwer sourit.)
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, prenez-vous le même engagement que M. le rapporteur ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Absolument, monsieur le président !
Passé ce moment d’anthologie, on reste quand même estomaqué par la courte vue des législateurs. On ne peut pas faire d’étude thermique avant la fin d’une construction ? N’y a t-il personne qui aurait pu informer le rapporteur de la loi que les thermiciens font cela au quotidien, et que la RT 2012 a comme la RT 2005 vocation à répondre à ce besoin de faire l’étude d’un projet avant de le construire ?
N’y a t-il personne qui aurait pu informer le rapporteur de la loi que l’étude thermique est déjà obligatoire avec la RT 2005, et dans ce cadre, il n’y a aucun surcoût à utiliser l’étude RT 2012 pour vérifier la conformité réglementaire d’un projet ? Et que cela représente en moyenne 0.017% du cout d’une construction ?
N’y a t-il personne qui aurait pu informer le rapporteur de la loi que le DPE donne des résultats fantaisistes et que dans ce cadre, il ne permet pas de valider la RT 2012 ? Qu’il est inutile sur les maisons neuves puisqu’il est déja obligatoire de faire une étude RT2005 qui elle pourrait intégrer un outil pour donner la classe énergie de la maison ? C’est faire un DPE qui ajoute un surcout inutile.
N’y a t-il personne qui aurait pu glisser à l’oreille des législateurs qu’il FAUT imposer à la livraison d’une maison de faire réaliser un test d’étanchéité, comme c’est le cas pour Effinergie et Maison passive, seul véritable contrôle de la performance de l’enveloppe ? Vérifier la quantité de fuites, les défauts d’isolation, Vérifier le bon fonctionnement de la ventilation, vérifier l’acoustique… Tellement de choses devraient être contrôlées, par pour embêter le maitre d’ouvrage, mais pour lui assurer que le bien qu’il achète est conforme en qualité à ce qu’il a demandé. C’est là la seule fonction du diagnostic de fin de chantier : s’assurer de la qualité et de la performance. Les législateurs ont ils seulement pris conscience de ce que signifie une démarche de construction basse énergie ?
C’est sidérant.
Avec de tels textes, comment peut on sérieusement faire croire que le Grenelle est utile si chaque beau projet est désamorcé dans ces textes d’application.
En 2009, moins de 20% des maisons construites passeraient réellement un contrôle selon RT2005 …. en 2015 … idem ….
De là à penser qu’en 2020 nous saurons adapter dans nos textes des pré-requis de type passif avec contrôles en amont et en aval, il y a une marche à laquelle je préfère ne pas penser.
Cédric
Bravo pour l’analyse et… le gras sur le texte prononcé.
Que dire ? Les bras m’en tombent.
J’ai modifié un peu l’article après m’être aperçu que le Sénat n’a pas modifié grand chose à l’article I de la loi. Comme tous les points de l’article renvoient à un décret d’application, les modalités peuvent être encore adaptées. Mais j’ai quand même l’impression que cela mène à une impasse.
– Soit les DDE ont une compétence pour jauger de la pertinence de l’étude thermique produite par le maitre d’ouvrage
– Soit l’état ne contraint pas en amont mais comment juger en aval ?
Merci pour les premiers commentaires (snif!) du blog
En gros, les maitres d’ouvrages pourront valoriser un bâtiment de meilleure conception, augmenter le prix au m² sans que personne ne puisse vérifier la théorie thermique?
Par ici la bonne soupe…
Ce qui me surprendra toujours c’est le manque cruel de compétences de ceux qui sont censés tout régir. Non que tout les sénateurs et autres parlementaires connaissent tous les détails des projets qu’ils portent mais qu’au moins sur ce qu’ils avancent ils ne disent pas n’importe quoi. Ils ont quand même le temps de préparer leurs interventions et du monde autour d’eux pour les conseiller…
Alain
Il faut signaler, ca ne change rien au fond de vos remarques, que la loi grenelle II a fait l’objet d’une procédure d’urgence, donc de temps de débats et commissions réduits. Mais le problème des procédures de calcul et contrôle est très technique. Je n’ai par exemple jamais vu une analyse comparative des résultats obtenus sous le DPE et la RT. Je n’ai pas vu non plus une analyse prospective des surcouts liés au passage de la loi RT2012. La responsabilité ne repose donc pas uniquement sur l’incompétence ou les préjugés des législateurs mais sur le manque de préparation sur les prospectives de développement du bâtiment performant.
bonjour,
nous avons eu déjà des comparatifs possible…
entre DPE et RT2005 THPE ….
ce sont « sensiblement » les mêmes résultats…
et oui quand l’expert et le thermicien utilise des logiciels du même éditeur
basé sur le moteur du CSTB … ça donne la MÊME chose !!!
(on parle RT2005 – 20% en thpe et non pas BBC ou autres…)
Autant dire que par rapport à un calcul en pphp2007…
on est LOIN … mais alors très loin du résultat identique…
donc pas d’inquiétude… les DPE et les calculs thermiques basés sur un même moteur donneront la même chose !! (<- prendre cette phrase avec un haut niveau de cynisme !!!)
oups …
petit oublie..
je viens de finir une formation LESOSAI ..
avec de la RT2005 dedans ..
ce qui une fois les surfaces corrigés (et oui la SHON française ne correspond à RIEN de réel !!)
on obtient donc un comparatif Minergie-RT2005 (BBC de vase)..
et là .. on rit … JAUNE .. mais on rit …
Méditons cette nuance : le bâtiment, une fois achevé, crée l’immobilier. L’immobilier n’a jamais rien crée à part l’enrichissement de certains acteurs d’une filière professionnelle, proie de pratiques commerciales les plus contestables poussées par une spirale réglementaire infernale…
Mais après tout, une fois la crise passée, que ferait le petit monde du diagnostic sans déploiement massif de DPE ? Et pire ! Sans obligation de test de perméabilité ?
Bonjour,
Pour ma part, j’ai fait quelques DPE sur un assez gros projet (je suis énergéticien mais pas DPEiste) pour lequel j’ai obtenu des factures après coup. Ramenée à une même année référence, mon estimation est trop forte d’une 20aine de % alors que celle d’une RT2005 (pas la mienne) est trop faible du même pourcentage.
Quelle conclusion ?!
Hé bien, je ne pense pas que l’absence d’étude RT soit à ce point dommageable, ce n’est pas un outil infaillible et le DPE lui fonctionne pas si mal si le travail est pas trop mal fait… Remarquez, j’ai fait ça avec la méthode DPE-Comfie, je ne sais pas ce qu’il en est des autres méthodes quoiqu’il est certain que pour évaluer des besoins de chauffage il n’y a pas besoin de gros calculs !
Pour ma part donc, je ne suis pas défavorable au DPE pour l’aspect calculatoire. En revanche, effectivement, plus on lui donne d’importance (PTZ à la clef) et plus les diagnostiqueurs lui font dire n’importe quoi !!!