Cet article est le premier d’une série d’articles sur la performance énergétique, la RT 2012, et la présentation d’une méthodologie alternative pour l’optimisation énergétique des bâtiments. Nous avions eu l’occasion déjà d’écrire plusieurs billets sur le label basse consommation effinergie pour pointer les éléments qui nous paraissaient à l’époque compromettre l’objectif de faire évoluer le monde de la construction, et qui nous avaient conduit à ne plus réaliser les calculs thermiques nécessaires à l’obtention de ce label. Depuis, plusieurs évolutions ont eu lieu, qui répondent en partie aux objections qui étaient faites au label.
Validité des performances
Au rang n°1 des critiques faites au BBC Effinergie, nous avions l’utilisation l’utilisation de règles de calcul peu fiables et aucun objectif clair fixé sur la performance de l’enveloppe des bâtiments. Avec le recul et le « succès » du label BBC, nous commençons à voir de manière plus précise l’impact de ces choix critiquables dans l’optimisation énergétique des projets. Nous voyons assez régulièrement des bilans thermiques de projets ou la seule optimisation proposée par le thermicien est de valider des variantes à partir de l’outil RT pour atteindre les 50 kWhep/m².a, et cela en jouant sur les systèmes, pas sur la conception bioclimatique ou l’optimisation de l’enveloppe. Nous voyons ici la conséquence de ne pas fixer d’exigence minimale sur la performance de l’enveloppe qui se traduit par des bâtiments non bioclimatiques, ou non super-isolés. L’autre problème majeur, c’est le confort d’été. Les outils réglementaires ne sont pas fiables pour cela, et les retours négatifs liés à une construction non confortable en été sont fréquents. Cela pose question quant à la responsabilité du thermicien qui intervient sur les projets. L’objectif théorique prioritaire reste quand même que les bâtiments soient réellement très performants et peu coûteux à l’usage, mais aussi qu’ils soient confortables en toute saison. Les missions de calcul RT2005 sont insuffisantes pour valider l’ensemble des objectifs de performance et en adaptant sa mission à la demande du client (qui est souvent : l’étude doit coûter le moins cher possible) on peut se retrouver avec des prestations déconnectées de la réalité, ou l’on valide le respect théorique des 50 kWh/m² et vérifie les produits/systèmes vis à vis du cahier des charges des certificateurs. Mais peut-on faire un bâtiment basse consommation sans aucun conseil lié à l’optimisation de l’enveloppe ou de la conception bioclimatique ?
L’année dernière, l’un des problèmes que nous relevions était qu’une enveloppe de bâtiment performante pouvait être moins bien considérée qu’une enveloppe standard avec systèmes considérés avantageusement (les PAC). Cette situation est toujours d’actualité, mais avec une problématique supplémentaire : les exigences sur le niveau d’isolation sont variables selon les systèmes, et différents selon la mise en place de capteurs solaires photovoltaïque (Ubatmax -30%), poêle à bois (Ubatref -25%) ou si l’on reste sur un chauffage central (Ubatmax -0%). On a également vu apparaître une modulation du garde fou Cep selon si la production d’eau chaude est électrique ou non (si capteurs solaires PV uniquement). Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il reste des efforts à faire pour donner une vraie visibilité sur la construction basse énergie.
La certification
Nous avions relevé également des blocages sur les produits de construction qui ne disposaient pas d’un avis technique français (ce qui pénalisait la plupart des produits usuels de la construction passive, qui ont des avis techniques européens). Ce frein n’avait pas pour cause le label mais le certificateur qui ajoute son cahier des charges à l’attribution du label. Début mai, Promotelec a présenté une nouvelle mouture de son cahier des charges, revenant en partie sur les éléments les plus contestables et reconnaissant enfin les avis techniques européens.
Cela dit, est-il juste que les aides publiques du basse consommation soient dépendantes du cahier des charges qu’un certificateur se réserve le droit de fixer, en dehors de tout champ législatif ? D’autant que ceux ci se sont organisés de petits monopoles (promotelec pour le diffus, cequami pour les constructeurs, etc…) qui ne laisse pas la possibilité au maître d’ouvrage de choisir un certificateur en connaissance de cause, en fonction de la compatibilité du projet vis à vis du certificateur. Cette problématique est liée à l’arrêté du 8 mai 2007 définissant le BBC, qui dans l’article 4 précise :
Le label « haute performance énergétique » est délivré uniquement à un bâtiment ayant fait l’objet d’une certification portant sur la sécurité, la durabilité et les conditions d’exploitation des installations de chauffage, de production d’eau chaude sanitaire, de climatisation et d’éclairage ou encore sur la qualité globale du bâtiment. Ce label est délivré par un organisme ayant passé une convention spéciale avec l’Etat dans les conditions de l’article 6 et accrédité selon la norme EN 45011 par le Comité français d’accréditation (COFRAC) ou tout autre organisme d’accréditation signataire de l’accord multilatéral pris dans le cadre de la coordination européenne des organismes d’accréditation (European Cooperation for Accreditation, ou ECA).
Ce champ très large de contrôle confié au certificateur aboutit à des cahiers des charges qui éliminent produits et systèmes constructifs. On retrouvait notamment dans le cahier des charges version 5 de promotelec l’obligation que le chauffage bois soit automatique (quel rapport avec la qualité de la construction ?), ou renvoyait les systèmes constructifs non industrialisés sur la touche (pas d’avis technique sur les produits). Par ailleurs, cela crée un chevauchement des compétences : n’est ce pas au maître d’oeuvre d’assurer la qualité globale du bâtiment, n’est-il pas responsable en décennale sur ce point ? Comment un certificateur, quel qu’il soit peut juger la qualité par une ou deux visites sur un chantier ? (Nous reviendrons sur ce point, mais il est à noter que la RT2012 confie cette responsabilité finale au maître d’oeuvre, pas au certificateur) L’un des « système constructif non industrialisé » bloqué était la construction paille, sur lequel les certificateurs bottaient en touche car ne respectant pas leur cahier des charges. Ce point a finalement trouvé une solution provisoire grâce au travail mené par le Réseau francais de la construction paille et Effinergie qui ont poussé les certificateurs à revoir leur position. Malgré tout, la solution trouvée n’est pas satisfaisante. Le certificateur reconnait les documents qui servent de base à l’élaboration des règles professionnelles en cours de finalisation et demande à ce qu’un « expert » local valide la bonne mise en œuvre, et le projet doit satisfaire à toutes les autres exigences du cahier des charges. Si cette méthodologie satisfait les certificateurs qui de fait se dédouanent de leur mission de vérification/responsabilité en cas de problème, et qui peuvent remettre en cause à tout moment ce fonctionnement selon les éventuels désordres constatés sur l’ouvrage, quelle est la situation des autres systèmes constructifs non industrialisés ?
Il aurait été plus adéquat de revoir la mission du certificateur, sur le principe des labels basse énergie européens, à savoir : une validation du calcul thermique, une vérification sur chantier de la conformité des prestations vis à vis du descriptif, un certificat validant l’étanchéité à l’air. C’est à dire que le label Basse énergie valide les points liés à l’énergétique du projet. Quite à ce que les certificateurs proposent, en option, pour ceux qui le souhaitent un cahier des charges avec liste de produits partenaires, ou valident l’aspect écologique d’un projet (comme Minergie Eco ou BDM). Dans tous les cas, la validation de la qualité repose sur la maitrise d’œuvre qui en assure la responsabilité. Dans le cas de la paille, il suffirait simplement de se reporter sur la valeur isolante du ballot de paille défini dans les règles de calcul, sans avoir à justifier autre chose.
Petite modification également sur le BBC, avec la mise en place (enfin) de la NF VMC double flux, qui après de nombreuses querelles entre fabricants à fini par aboutir. L’objectif était de proposer une base commune et reconnue pour l’établissement des performances thermiques des caissons. Actuellement, le caisson de VMC pour être accepté par le certificateur doit soit être supérieur à 85% selon la NF EN 13141-7, soit être listé par Uniclima. Il est intéressant de constater les différences entre méthodes de calcul : par exemple, la Zehnder ConfoD350 est certifiée selon la NF à 96% de rendement, le même produit se situant à 84% selon la méthodologie du Passiv Haus Institut. Cette évolution va toutefois dans le bon sens, et évitera certaines pratiques d’industriels qui mentionnaient parfois un rendement calculé sur un air saturé d’humidité pour gonfler artificiellement les performances du caisson. Ce changement dans les critères des VMC par Promotelec élimine par contre pour le moment les produits de PAUL, qui ont pourtant les meilleurs rendements selon le PHI mais ne figurent ni pas sur la liste Uniclima et n’ont pas de rendement NF.
Effinergie, seul au monde ?
Jusqu’à présent, Effinergie est le seul label donnant droit aux crédits d’impôts sur les intérêts d’emprunts mis en place début 2009. Ce qui a eu pour effet de marginaliser Minergie et Maison passive, les autres labels « équivalents » distribués en France. A priori, nous devrions sortir prochainement de cette situation avec la reconnaissance de Minergie, qui aura transformé complètement sa méthodologie pour bénéficier des mêmes droits. Le logiciel de calcul Lesosai qui permet le calcul Minergie dispose d’une option permettant de réaliser en plus un bilan compatible RT2005 (le calcul selon la SIA380 ainsi que les exigences de 38 kwhep/m² ne sont donc pas reconnus pour l’obtention du label, mais il est possible de vérifier que l’on se situe dans les 50 kWhep/m² définis pour le BBC, et évite donc la procédure archaique qui consistait à utiliser deux logiciels différents pour vérifier BBC et Minergie). Pour répondre à l’arrêté du BBC sur la mission du certificateur, Prioriterre propose en plus un cahier des charges s’inspirant des critères de la démarche BDM, qui aurait pu permettre de valider une approche en écoconstruction (donc très éloigné du cahier des charges de Promotelec !) s’il avait été réalisé correctement. Conséquence de tous ses modifications, le label proposé est renommé BBC-Prioriterre, avec la possibilité en option d’obtenir le label Minergie.
La situation du passif en France est beaucoup plus compliquée, car ce sont les garde fous de la réglementation qui posent problème jusqu’à présent. Notamment sur la règle de la régulation des consignes pièces par pièce. Ce qui aboutit à bloquer le développement des systèmes multi énergies et chauffages via ventilation, sujet que nous avons développé ici. Le cadre français fait que la balle est dans le camp des fabricants, qui doivent déposer un titre V systèmes et le faire valider pour qu’une technologie soit reconnue. Le sujet va certainement évoluer prochainement, puisque la marque Tresco a entrepris la commercialisation du système multi énergie de Genvex (qui a un certificat passif) et est en train de réaliser le titre V systèmes qui devrait aboutir à une définition et méthodologie pour les systèmes multi énergie sans recours à des batteries terminales.
Une fois ce frein traité, le passif pour être reconnu au niveau des aides d’état devra s’accompagner du bilan RT2005 pour valider les exigences du BBC, d’un cahier des charges pour valider la « qualité », et d’une reconnaissance du certificateur par la COFRAC. Qui a dit chemin de croix ? Il est évident que la voie la plus simple serait que le bilan PHPP qui valide le caractère passif d’un projet donne lieu automatiquement aux aides du BBC, sur le principe du « qui peut le mieux peut le moins ». On voit aussi sur ce point la conséquence qu’a eu cet article 4 de l’arrêté du BBC, qui s’il était revu débloquerait de fait la situation des labels alternatifs.
Pour conclure,
Nous sommes encore assez loin d’un cadre concluant pour un basse consommation plus pertinent. Comme il se profile une modification substantielle des aides au BBC dans la prochaine loi de finances (le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt devrait être arrêté, et l’éco prêt à taux zéro renforcé), il faudra suivre de près les conditions d’éligibilité aux aides dans la prochaine version des subventions au BBC. Car deux discours sont entendus aujourd’hui : la modification des aides est surtout liée à la complexité du système actuel, et au fait que les banques ne tiennent pas compte du CI dans la capacité d’emprunt du maître d’ouvrage, et l’autre discours qui est que les « niches fiscales » doivent être rabotées à hauteur de plusieurs milliards d’euros. Toute la problématique du BBC tient dans la qualité des subventions qui orientent les maîtres d’ouvrage sur un label plutot qu’un autre. Les modifications d’ordre fiscal sont donc le nerf de la guerre qui détermineront le succès de la filière basse consommation en général, et des labels basse énergie entre eux.
Merci pour cette analyse perspicace 😉
Alain
Nota : j’ai modifié l’article après avoir décortiqué le cahier des charges du BBC Prioriterre et constaté que celui ci propose une grille d’analyse assez critiquable. Je ne vois vraiment pas comment on peut passer autant de temps à se battre pour faire reconnaitre un bon label (minergie), pour lui accoler un cahier des charges aussi peu pertinent.
Acteur (relativement passif!) de ce qui peut se construire, je suis
régulièrement vos positions et votre travail…
Pour nourrir votre activisme et votre veille sur la RT2012 et les certifications associées, voici une référence à discuter:
http://www.lemoniteur.fr/201-management/article/actualite/699519-la-rt-2012-impose-17-de-baies-vitrees-par-rapport-a-la-surface-habitable
Malgré les aspects positifs du BBIO RT2012 annoncé, ce nouveau point sur la surface de vitrage apparait très incohérent. Que veut dire une surface de vitrage minimale lorsqu’aucune orientation et qualité d’ouverture ne sont spécifiées… Il faut surtout regarder qui a diligenté l’étude (CSFVP)…?
De quoi être perplexe.