Nous produisons ici sous forme de séries d’articles le cahier de doléances du RESEAU Ecobâtir sur la RT2012. L’ensemble du document est téléchargeable ici.
Performance ‘logicielle’ = performance réelle ?
Ce qui est le plus surprenant pour le non spécialiste de la construction, c’est finalement que les bâtiments ne sont pas très différents de ceux de la RT2005. Si l’on s’arrête sur les préconisations de l’époque en matière de résidentiel, que retient-on ? L’isolation par l’intérieur est très largement majoritaire, 10 cm d’isolant en mur, 20 à 25 cm en toiture, VMC simple flux hygroréglable, menuiseries double vitrage Faible Émissivité. A l’époque, le chauffage électrique de base bénéficie d’un coefficient Cep spécifique.
Or, quand on regarde les bâtiments BBC ou les préconisations issues des présentations de la RT2012 par le CSTB, on retrouve à peu près les mêmes préconisations, en un peu mieux. L’étanchéité à l’air est meilleure et est contrôlée mais l’objectif reste malgré tout très fuyant, la VMC simple flux hygroréglable reste conseillée quelle que soit la zone climatique, et l’isolation par l’intérieur reste une solution de référence, sur des niveaux d’isolation néanmoins légèrement supérieurs et avec rupteurs de ponts thermiques 1.
Les bâtiments qui ont servi d’exemples pour la présentation de ces résultats ne sont pas non plus des exemples très « poussés » d’application d’une démarche bioclimatique. On ne peut donc pas attribuer cette amélioration des résultats à une conception différente : ce sont les maisons des catalogues de pavillonneurs qui ont servi d’étalonnage aux calculs !
Comment donc expliquer que cette baisse des consommations énergétiques soit annoncée si forte ? Le dossier de presse RT2012 va assez loin en annonçant :
Les avancées de la Réglementation Thermique « Grenelle Environnement 2012 » : une consommation globale d’énergie réduite d’un facteur 2 à 4, des besoins de chauffage divisés par 2 ou 3 grâce à une meilleure conception des bâtiments, une généralisation des techniques les plus performantes
Certains documents de présentation issus de bureaux d’études ayant participé aux groupes de travail sur la RT2012 présentent même souvent la valeur cible des 15 kWheu/m².an, chère à tous ceux qui s’intéressent à la construction passive, atteinte 2.
Le poste chauffage et/ou climatisation est également en forte mutation : un besoin d’énergie faible de 5 à 20 kWh/m².an, […]
Pourtant, ceux qui construisent passif savent que l’obtention du passif se fait grâce à des niveaux d’isolation nettement plus poussés que ceux décrits dans les présentations de la RT2012 3. Il ne s’agit pas pour nous de dire qu’il aurait fallu que la nouvelle règlementation corresponde aux normes passives, mais constatons qu’il est surprenant que cette RT2012, qui correspondrait au maximum à la démarche « basse consommation », vante des performances supérieures à celles atteintes par le passif, alors que les bâtiments dans leurs caractéristiques intrinsèques, n’ont rien de commun 4.
La RT2012 lave plus blanc que blanc
Nous ne rentrerons pas dans le détail du moteur de calcul, d’une part parce qu’il nécessite d’être testé au moment où les logiciels d’application sortiront de leur période d’évaluation, d’autre part parce que ce qui posait problème dans le précédent moteur de calcul touchait surtout à ses limites (on ne pouvait pas tout composer), et aux nombreux garde-fous qui contraignaient souvent les projets performants. Ces éléments ont été résolus, notamment le problème de la régulation par pièce… mais au prix d’une effrayante complexité, la méthode passant de 150 pages (Th-CE), à 1377 pages (Th-BCE).
Le moteur de calcul RT2005 était déjà réputé pour donner des résultats meilleurs que la réalité, mais ce qui était principalement en cause n’était pas le moteur même mais les scénarii conventionnels qu’il considérait.
La question de la pertinence des résultats du calcul est primordiale, puisque si un calcul thermique ne peut se donner pour objectif de prédire la consommation future d’un bâtiment, il faut qu’en moyenne ce soit le cas. L’enjeu était bien résumé par l’OPECST :
Seul le résultat mesuré in fine compte véritablement dans une logique de performance, et le « calcul réglementaire » ne peut être qu’un instrument pour s’en rapprocher le plus possible. […]
Dans la mesure où la réglementation thermique est partie prenante de la lutte contre le changement climatique, on conçoit mal comment on pourrait se satisfaire d’une performance énergétique faciale, consistant simplement à respecter la norme au niveau du résultat d’un calcul réglementaire. En fait, la seule performance qui vaut, c’est celle qui est mesurée a posteriori.
Examinons certaines des modifications introduites par la RT2012 au niveau des conventions :
Parmi les principales évolutions de la RT2012 influençant le besoin de chauffage calculé, notons :
de nouvelles données météorologiques. Par rapport à la RT2005, suite à des modifications repérées dans certains stations météo : la zone H1 a une diminution des besoins de chauffage pouvant atteindre jusque -25%, les zones H2a et H3 une baisse de l’ordre de 10% (les zones H2b et H2c ne sont-elles pas affectées par la mise à jour des données météo) ;
des scénarii d’occupation moins favorables (environ 3,5 W/m² contre environ 5 W/m² en RT2005) ;
une régulation des consignes en journée sur le principe d’une non occupation du logement, considérant que tous les logements neufs sont maintenus à 16°C en journée pendant la semaine ;
l’ajout d’une semaine de congés en hiver, qui revient à « retirer » une semaine de chauffage (après tout, qui ne part pas aux sports d’hiver de nos jours ?) 5 ;
la modification de la surface de la SHON à la SHON RT, qui est plus favorable de 5 à 10% (hormis sur le cas spécifique des combles aménageables considérés dans la RT2005).
Le dossier de presse vante les avantages de la RT2012, en avance même sur le « Passivhaus » : il serait intéressant de comparer les résultats d’un même projet que l’on saisirait selon la méthode RT et selon la méthode PHPP de la démarche passive. L’avantage de la méthode de calcul PHPP, est qu’elle fait l’objet de retours d’expériences mondiaux concluants : en moyenne, les maîtres d’ouvrage constatent les consommations calculées (il y a plus ou moins d’écarts autour de la médiane de 15 kWheu/m² SHAB.an).
A contrario, le CSTB argumente pour la RT2012 sur une méthode de calcul non « prédictive », qui n’a pas vocation à retrouver la consommation des utilisateurs.6
Les deux méthodes sont pourtant des méthodes conventionnelles, utilisent des scenarii types pour les données d’occupation, de température, etc. La question à se poser sera donc : les scenarii conventionnels RT sont-ils plus justes que ceux du passif ?
Le tableau ci-dessous, sans donner une réponse définitive à la question étudiée, montre que pour un projet donné, saisi selon les caractéristiques de la RT2012 puis du PHPP, peut donner des résultats variant du simple à plus du double :
On le voit, le choix de scenarii conventionnels favorables est un puissant levier pour abaisser le résultat d’un calcul de besoins de chauffage (ce n’est toutefois pas le seul, les méthodes de calcul présentant des différences notables 7). Sans plaider pour une méthode ou une autre, force est de reconnaître que ces éléments de choix essentiels constituent le principal déterminant permettant d’expliquer l’extrême faiblesse du besoin de chauffage calculé selon la RT2012.
Et on peut se poser quelques questions :
Pourquoi considérer, alors que ce n’est pas le cas dans la RT2005, une semaine de congés en hiver ?
Pourquoi considérer par convention une désertion de la résidence en journée : les abaissements de température sont-ils justifiés ? 8
Enfin, est-il juste de considérer que les modifications climatiques constatées, qui ont amené à réviser les stations météorologiques réglementaires traduisent une vérité immuable (si l’on considère que les bâtiments construits aujourd’hui seront encore là en 2100) ?
En effet, si la RT ne se fixe pas pour objectif de prédire les consommations futures, il serait tout de même problématique que celle-ci sous-estime toujours les consommations réelles. D’autant, que ce qui est en filigrane, tient dans les annonces faites de baisses de factures énergétiques pour les utilisateurs, voire même (mais ce n’est pas acté) la possibilité d’emprunter plus en considération des baisses de charges de fonctionnement.
Dans le cadre présenté actuellement, il est plus probable que les économies sur les besoins de chauffage soient de l’ordre de 30-40% par rapport à la RT2005. Quant aux économies de fonctionnement, elles seront extrêmement variables selon le choix des systèmes énergétiques, la prise en compte des abonnements et de l’entretien des équipements 9.
L’annonce faite au moment de la sortie de la RT2012 allant jusqu’à vanter un « gain de pouvoir d’achat » 10 pour les ménages paraît donc extrêmement hasardeuse, s’appuyant sur des données théoriques de calcul, nécessitant un minimum de recul pour en apprécier leur réalité.
On pourra également s’étonner que la prise en compte du confort d’été, peu fiable avec la Tic 11, soit malgré tout reconduite en l’état en attendant une amélioration future. On savait par retours d’expérience sur le BBC que le respect du garde-fou n’est absolument pas une garantie de confort d’été satisfaisant, notamment si la période est plus chaude que les standards saisonniers. Cette approche est en l’état une véritable « bombe à retardement ».
Suite du dossier : En conclusion : Ce que devraient intégrer la RT2012 et les réglementations suivantes >
« La technique d’isolation par l’intérieur domine quant à elle, avec une recherche de matériaux plus performants à épaisseur identique. Le traitement des ponts thermiques est systématisé. Le traitement de la perméabilité à l’air est intégré. La valeur de la perméabilité à l’air, mesuré par un opérateur autorisé, doit être inférieure à 0,6 m3/(h.m²) de parois déperditives ».
http://www.lamaisonpassive.fr/spip/spip.php?article107
Bonjour,
Combien d’espoirs déçus suite à cette nouvelle réglementation qui devait servir de tremplin à la RT 2020 et tourner l’ensemble du secteur dans la bonne direction . Oui il pourrait y avoir un réel gain économique pour les particuliers habitant un bâti vraiment performant. Oui il pourrait y avoir un réel gisement d’emploi dans ce secteur dès lors que la qualité la plus élevée possible de mise en œuvre est recherchée. Oui il pourrait y avoir là une forte convergence entre le bien être de l’habitant , une meilleure reconnaissance du travail de conception et de mise en œuvre . Oui on a tous individuellement et collectivement intérêt à se tourner vers le passif éco construit ( atteindre le passif avec du polystyrène ou des isolants très high-tech genre aérogels n’a pas beaucoup de sens) . Pourquoi ça ne marche pas ? L’énergie n’est pas assez chère ? C’est la crise? Mais c’est la crise depuis plus de quarante ans ! Y’a plus de sous ? Il n’y avait plus un rond dans les caisses au sortir de la seconde guerre et il a bien fallu agir . Les gens sont angoissés par l’avenir ? Alors que nous tenons la un puissant levier de cohésion sociale , de vision économique à long terme propre à traverser les crises justement, et donc à apaiser les craintes liées à l’avenir ! Oui il y a un certain plaisir à bâtir des habitats bien pensés avec des matériaux sains . On sait que ceux qui y vivront auront pendant fort longtemps un confort élevé , que ceux qui passeront derrière pour déconstruire un jour ne se détruirons pas la santé et auront le choix entre un réemploi facilité ou une mise en compostage … Oui c’est profondément gratifiant de bâtir sainement avec le minimum de nuisance , pour soi et pour les autres , pour aujourd’hui et pour demain.
Je sais que beaucoup considèrent les normes comme des contraintes alors qu’il faut les prendre pour des « guides » … et qu’un habitat « performant thermiquement » est d’abord un habitat sans point faible.
Restons humble : un habitat lumineux, confortable, sain et économe ne « fait pas le bonheur » …mais peut y contribuer très largement .
De la par d’un simple quidam qui survit grâce aux minimas sociaux