Et pour construire passif en France ?
D’abord caractérisons le climat. Nous prendrons comme approximation une séparation de la France en quatre types de climats : océanique, continental, méditerranéen, et montagnard. Ces quatre climats sont suffisamment contrastés pour avoir une influence sur les stratégies que nous allons développer pour faire un habitat passif.
Climat océanique
Ce climat se caractérise par une faible amplitude thermique, une quasi-absence de périodes de gel, un été frais, et des précipitations qui paraissent souvent plus abondantes qu’elles ne le sont vraiment en raison de leur fréquence. Les différences au sein de cette zone sont très faibles entre le sud et le nord de la France tant que l’on reste suffisamment près de la bande côtière atlantique.
Climat continental
Il est caractérisé par une amplitude thermique forte à très forte, un hiver froid et un été chaud, et des précipitations irrégulières. Ces caractères sont d’autant plus marqués qu’on s’éloigne du littoral.
Climat méditerranéen
C’est un climat de transition entre la zone tempérée et la zone tropicale. Ses caractéristiques sont un hiver doux avec périodes de gel rares ou inexistantes, été chaud et sec, précipitations aussi abondantes que les climats tempérés mais réparties très irrégulièrement et très intenses. Il peut ainsi se produire des orages qui déversent en une journée la moitié de la lame d’eau annuelle.
Climat montagnard
Ce climat est trop spécifique pour qu’on puisse le caractériser et indiquer de solution adaptée dans le cadre de ce dossier.
Si on se concentre uniquement sur l’aspect confort thermique des constructions, on voit que la différence entre océanique et continentale ne sera pas une vraie rupture. Il n’existe pas de ligne de démarcation claire entre l’océanique et le continental. Le véritable océanique ne se retrouve que sur la bande côtière et la Bretagne, et le continental ne commence vraiment qu’au début des Vosges. La majeure partie de la France se trouve donc à mi-chemin entre les deux, à tendance plutôt océanique ou plutôt continentale (on parle de climat océanique « dégradé » ou de climat « semi »-quelque chose).
Au contraire le climat méditerranéen demandera une vraie adaptation des techniques utilisées, car il marque le début des climats chauds dans lesquels la préoccupation principale n’est plus le chauffage hivernal, mais le rafraîchissement. estival. La configuration topographique de la France fait que là pour le coup la limite entre ce climat et les autres est très nette.
Comment est faite une maison passive sur le principe « passivhaus » ?
Elle est entièrement conçue sur la démarche « conserver la chaleur ». Elle y parvient en ayant travaillé sur les points suivants, dans l’ordre :
- Parfaite étanchéité de l’enveloppe à l’air.
- Une fois acquise l’étanchéité, renforcement de l’isolation des parois par une très forte épaisseur d’isolant, placé de manière à ne pas créer des ponts thermiques (ou à les réduire drastiquement).
- Renforcement de l’isolation des fenêtres et des bâtis de fenêtres (triple vitrage).
- Recyclage des calories présentes dans l’air au moyen d’une ventilation contrôlée (donc mécanisée, double-flux + échangeur de chaleur).
Selon les caractéristiques du lieu de la construction, on peut aussi retrouver quelques éléments supplémentaires, concernant notamment l’orientation des vitrages ou leur protection solaire estivale.
L’étanchéité à l’air
Pour nous autres français, il faut détailler ce qu’on entend exactement par « étanchéité à l’air » car l’écrasante majorité des constructions françaises sont de ce point de vue de vraies passoires. Nous avons vu dans l’introduction sur le cas des igloos que l’étanchéité à l’air est indispensable dans les climats froids, pour se protéger de l’effet refroidissant du vent, d’une part, ainsi que pour éviter à l’air chaud interne de s’échapper et d’être remplacé par de l’air froid. Dans une maison normale, il y a des fuites d’air à chaque jonction entre deux éléments différents, et notamment :
- liaison des éléments constituant le mur entre eux
- liaison dalle/mur et planchers/murs
- liaison mur/toiture
- liaison mur/baies
- et également toutes les traversées de mur, plancher ou toit, généralement pour les réseaux (eau, ptt, électricité, évacuations, ventilation, etc.)
Les éléments constituant le mur entre eux
Si le mur est en maçonnerie, il est typiquement constitué de blocs qui sont assemblés au moyen d’un mortier ou d’une colle. L’ensemble réalise forcément une paroi hétérogène qui est perméable à l’air à cause des multiples petits défauts de jonction entre le mortier et les blocs. L’étanchéité est obtenue grâce à l’enduit qui va recouvrir le tout de manière continue.Si le mur est en bois, c’est alors la jonction entre des caissons ou entre les madrier/panneaux qui devra être rendue étanche. Selon le procédé constructif, cela peut être réalisé soit par le doublage complet du mur avec un film étanche à l’air, soit en ne collant que les joints entre les éléments avec des bandes adhésives adaptées.
Les liaisons dalle-mur et plancher/mur
Pour ces liaisons, il est nécessaire de prendre en compte un paramètre supplémentaire : la dilatation. En effet le mur et le plancher vont se déformer de manière différente, il faut donc réaliser un joint qui soit suffisamment souple pour ne pas se briser à cause de ces déformations. On réalise ainsi des joints avec des films étanches à l’air, disposés en plusieurs couches avec des recouvrements permettant des légers déplacements sans rupture de l’ensemble.
Les liaisons mur/toiture
Les conditions sont assez similaires aux liaisons mur/plancher. L’étanchéité est assurée par un jeu de films avec des recouvrements, assemblés entre eux soit au moyen de colles souples, soit au moyen de bandes adhésives.
Les liaisons murs/baies
Cette liaison présente la complexité la plus élevée de part le nombre de paramètres en jeu : la pose de la fenêtre ou de la porte en elle-même doit permettre son bon fonctionnement, mais il faut ensuite réussir à assurer l’étanchéité à l’air et à l’eau des jonctions entre le bâti et le mur. Là encore, on utilise des films, des joints souples, des bandes adhésives, et l’ensemble se pose avec des recouvrements permettant la dilatation des différents éléments.
Traversées diverses
Dans une maison normale, on fait généralement peu de cas de toutes les canalisations qui passent au travers des murs, planchers et toits, et il est d’ailleurs fréquent d’en trouver qui ne sont même pas réalisées en respectant les joints de dilatation (ce qui occasionne divers problèmes : ruptures de canalisations, bruits, vibrations et résonances, etc.). La recherche d’une parfaite étanchéité commencera donc par une correcte réalisation de ces traversées, et ensuite une conséquente optimisation pour en réduire le nombre, et pour les rassembler en des points communs plus faciles à traiter en ensemble. Ceci s’accompagne d’une planification sérieuse lors de la réalisation car on ne pourra pas se permettre de venir repercer des trous après coup.
Les quelques traversées seront au final elles aussi munies de manchons, joints souples, recouvrements etc.
L’objectif de tout ce travail est de réaliser une sorte d’enveloppe qu’on pourrait gonfler comme un ballon sans que l’air ne s’en échappe, et c’est d’ailleurs a peu près ainsi qu’on va vérifier si les travaux ont été bien effectués, sauf qu’on va plutôt aspirer l’air de la maison. On utilise ce qu’on appelle un « blower-door », qui est un gros ventilateur qu’on va mettre à la place d’une porte ou d’une fenêtre. Celui-ci va aspirer l’air de la maison et on mesurera la dépression et la quantité d’air qui est aspirée pour en déduire la perméabilité du bâtiment (en l’occurrence, pas plus de 0.6 vol/h pour une dépression de 50Pa).
A titre de comparaison, cette performance est 4 à 5 fois meilleure que celle d’une maison française conforme à la réglementation et correctement réalisée. Mais nous savons qu’en France l’étanchéité à l’air ne préoccupe pas grand monde, c’est pourquoi la valeur par défaut suggère de prendre un chiffre 50% plus élevé que celui de la référence RT2005. Ceci est plus proche de la réalité constatée sur le terrain. Ainsi dans une maison passive les infiltrations d’air parasite représentent environ 8% du renouvellement d’air, alors que dans une maison française moyenne (neuve) elles représentent environ 40 %…
C’est réussi ? Passons à l’isolation
Il ne reste plus qu’à trouver quelle épaisseur d’isolant il va falloir mettre sur les parois pour que la quantité de chaleur qui est perdue par l’enveloppe soit suffisamment faible. Cette épaisseur dépend principalement de deux facteurs : le climat bien sûr, mais aussi la surface utilisée pour chaque habitant. En effet, pour que la maison tende à devenir passive, il faut que la quantité de chaleur qu’elle perd soit équilibrée par les apports internes. Ces apports sont les pertes thermiques des appareils, mais aussi les pertes métaboliques des habitants. Donc, plus il y a habitants, et plus il est facile d’obtenir cet équilibre. Cependant la tendance actuelle en occident est d’augmenter considérablement la surface utilisée par personne à chaque génération, donc, cela impliquera des murs très efficaces si la maison n’est habitée qu’à une personne pour cinquante m² par ex. En moyenne, on obtient chez les allemands quelque chose comme 25 cm d’isolant pour le sol, 30 à 35cm pour les murs, et environ 40cm pour le toit (ceci en utilisant des isolants ayant un lambda inférieur ou égal à 0.04).
Et maintenant voyons les fenêtres
Cette isolation ajoutée, on se rend compte rapidement qu’il faut faire quelque chose pour les fenêtres, car un double vitrage même peu émissif sur un bâti classique devient LE point faible de la maison (alors que ce n’est pas le cas sur une maison peu ou pas isolée, bien sûr). L’amélioration des fenêtres va porter à la fois sur les vitrages et sur les bâtis et la manière de les poser. En effet, se concentrer uniquement sur les performances de la vitre c’est oublier qu’a partir du double vitrage peu émissif, la partie la plus mauvaise thermiquement de la fenêtre c’est son cadre. Il est absurde de mettre un triple vitrage sur un châssis qui n’est pas lui aussi conçu pour être très isolant.
Les châssis à haute performance sont ainsi très différents de châssis normaux. Il existe autant de solution technique que de constructeurs, mais le principe est toujours le même. Il faut multiplier les couches de matériaux différents, et intercaler dans l’épaisseur du châssis, tant sur l’ouvrant que sur le dormant, une couche isolante continue qui fera une barrière à la chaleur en partant de la base des vitrages jusqu’à l’extrémité du bâti. On trouve également non plus un seul joint entre ouvrant et bâti, mais deux ou trois, de manière à multiplier les barrières au passage tant de l’air que de la chaleur.
Enfin, il faut poser la fenêtre en réalisant des recouvrements du bâti avec l’isolant des murs, en continuité, pour là encore réduire au maximum les zones de faiblesses thermiques. Tout ceci se fait évidemment en parallèle de la question de l’étanchéité à l’air exposée ci-dessus. La pose de ce genre de fenêtre devient donc une opération complexe qui réclame un peu plus de sérieux que la méthode la plus courante à la française : mousse polyuréthane au kilomètre + fleuve de silicone.
La dernière étape : la ventilation
Toutes les étapes précédentes ont conduits à la réalisation d’une sorte de parfaite boîte isotherme. Il nous faut maintenant assurer le renouvellement de l’air tout en évitant de perdre du même coup les calories qui s’y dissipent du fait des apports internes. Il est fait usage de ventilation mécanique double-flux, avec un échangeur de chaleur performant (rappel, ce genre de VMC réchauffe l’air entrant avec la chaleur de l’air sortant, avec un rendement qui dépasse largement 50% grâce à des courants croisés). Il s’avère en pratique que ce genre de VMC donne des résultats d’autant meilleurs que l’enveloppe du bâtiment est étanche. En effet, la simple ouverture d’une fenêtre met par terre toute la circulation de l’air, mais même de simples fuites d’étanchéité peuvent faire perdre jusqu’à 25% du rendement de l’installation (pour les mêmes raisons, l’usage d’une VMC double-flux dans un bâtiment normal, peu étanche à l’air, ne donne pas de bons résultats, ou tout du moins disons que le prix du système ne se rentabilise pas vu les faibles gains qu’il apporte dans ce cas-là).
La cerise sur le gâteau est apportée par un échangeur enterré sur la prise d’air de la ventilation : un puits canadien. Celui-ci en amortissant encore la variation de température de l’air entrant dans le système permet d’augmenter encore légèrement la récupération de calories de l’ensemble pour aboutir à la passivhaus. Le chauffage en tant que tel n’existe plus.
Toutefois, comme les habitants de la maison ont quand même besoin d’eau chaude, il est de plus en plus fait appel à un système compact qui comprend en plus de la double-flux, une petite pompe à chaleur qui servira à la fois à produire l’appoint d’eau chaude (on suppose que le chauffe-eau est solaire), et un appoint de chauffage si nécessaire, en diffusant de la chaleur dans la conduite d’air avant son insufflation (mais après l’échangeur) au moyen d’une batterie d’eau chaude (c’est une sorte de minuscule radiateur à eau logé directement dans la gaine de ventilation).
La passivhaus fonctionne parfaitement sur tous les climats de type tempéré, de l’océanique au continental en passant par leurs climats intermédiaires. Elle montre ses limites dans les climats froids, tout simplement parce que l’épaisseur d’isolant ne peut être augmentée indéfiniment, et qu’aux coûts de l’énergie actuels, passé un certain seuil il devient moins économique d’augmenter encore l’isolation que de juste rajouter un petit poêle. La passivhaus montre également ses limites dans les climats chauds, pour lesquels la conception « boîte isotherme » se révèle peu pertinente pendant l’hiver doux, et catastrophique l’été.
Quelles adaptations pour les climats en France ?
Zone plutôt continentale
Cette zone est très proche du climat de définition de la passivhaus, il n’y aura donc pas de changements significatifs à faire, bien que la moindre rigueur du climat puisse peut-être permettre d’obtenir le résultat passif avec quelques cm d’isolants en moins.
Zone océanique et plutôt océanique
Cette zone est caractérisée par son extrême douceur et la faible amplitude thermique au cours de l’année. Il va devenir pertinent de vérifier la faisabilité de la solution « capturer la chaleur » par rapport à la solution « conserver la chaleur ». En effet, la moindre amplitude thermique rend bien plus facile la conservation d’une atmosphère tempérée au sein de l’habitation. Si le terrain présente une bonne insolation hivernale, avec une faible nébulosité, alors les apports extérieurs pourront devenir bien plus intéressant que les apports internes. Il s’agira donc de mettre en oeuvre une véritable stratégie bioclimatique-solaire, telle que décrite dans notre dossier correspondant. En pratique, cela se concrétisera sur le bâtiment par :
- moindre épaisseur d’isolant
- moindre performance des fenêtres (qui pourront redevenir des doubles vitrages ITR)
- toujours une parfaite étanchéité à l’air
- toujours un système de ventilation qui ne gaspille pas les calories
- meilleure orientation des fenêtres et répartition majoritaire sur le sud
- changement des procédés constructifs sur l’intérieur de la maison pour y faire apparaître de l’inertie. Cette dernière est indispensable pour accumuler et diffuser les apports solaires.
Zone méditerranéenne
Ici apparaissent deux possibilités complètement différentes de réaliser une maison passive. Soit on reste sur la lancée d’une maison très isolée, et il faudra la rafraîchir, soit on adopte les solutions de climat chaud, tout en gardant quelques ajustements pour passer l’hiver sans chauffage. Il va de soi que le choix de l’une ou de l’autre doit aussi être fait par rapport aux caractéristiques locales du terrain, et notamment en prenant en compte l’influence du relief et de l’altitude le cas échéant.
1-Isolation + rafraîchissement.
La maison sera construite sur le modèle passivhaus : très étanche à l’air, très isolée, et sans inertie interne. Ce faisant, l’hiver sera passé sans chauffage, mais l’été rendra la maison rapidement inhabitable sans quelques précautions. D’abord pourquoi est-ce que la maison risque de devenir inhabitable ? On trouve quelques fois une explication qui indique que la maison passive, comme elle est très isolée, est protégé tant du froid que du chaud, et de ce fait ne surchauffe pas en été, même dans le sud de la France. Il n’en est rien, car la maison n’est pas une simple bouteille thermos : elle contient des gens et des appareils. Ceux-ci gênèrent les fameux « apports internes » qui fournissent le chauffage en hiver, mais ces apports internes ne cessent pas en été. Donc, en été si l’enveloppe fait certes un bon écran à la chaleur externe et l’empêche de rentrer, elle fait tout autant un bon écran à la chaleur dissipée en interne, et l’empêche de sortir : ainsi la surchauffe n’est pas due à la chaleur extérieure, mais tout simplement au fait que la maison soit occupée. En hiver l’apport interne correspond à la perte de la maison et se dissipe, mais en été l’apport interne ne se dissipe pas à l’extérieur puisque l’extérieur est chaud lui aussi. Il faut donc évacuer cette chaleur en apportant du froid. L’objectif de la maison passive étant de ne pas consommer d’énergie, il va de soi que ce froid ne peut pas être produit par une climatisation. Les moyens ne sont pas légions, il va donc falloir miser sur la surventilation nocturne d’une part, et sur l’inertie thermique du sol d’autre part. La surventilation nocturne ne peut pas être réalisée en augmentant le débit de ventilation de la VMC pendant la nuit. En effet, les débits maximums ne sont pas suffisant, et à cette vitesse les ventilateurs deviennent bruyants ce qui peut nuire à l’endormissement. La seule solution est donc d’ouvrir les fenêtres, sur deux façades opposées du bâtiment, pour créer une circulation d’air traversante. Ceci pose quelques problèmes : si le bâtiment est situé dans une zone très urbanisée, l’ouverture des fenêtres posera peut-être elle aussi un grave problème de bruit rendant le sommeil impossible. Autre problème : il n’est pas toujours possible de laisser les fenêtres ouvertes en continuant d’assurer la sécurité des personnes et des biens pendant leur sommeil. En admettant que ces réserves ne posent pas de problèmes, la surventilation nocturne va faire circuler l’air frais et dissiper le maximum de chaleur, quitte à rendre la maison même un peu trop fraîche au petit matin. Pendant toute la journée, la chaleur va de nouveau s’accumuler et il faudra reproduire la même procédure toutes les nuits pendant la période chaude. Évidemment, cette méthode ne marche pas si les nuits ne sont pas froides, ou si elles ne le sont pas assez. Pendant une période caniculaire par exemple, caractérisée justement par une température élevée pendant la nuit, la surchauffe ne pourra pas être contrée par ce système. Utiliser l’inertie de la terre consiste simplement à utiliser l’aspect rafraîchissant du puits canadien (qui sera alors plutôt dit « provençal »). L’air qui renouvelle celui de la maison sera rafraîchi. en essayant de trouver le bon débit pour que ce froid suffise à absorber la chaleur interne produite par les habitants. La théorie est parfaite, mais la pratique montre un petit défaut au système : la température du sol sur le trajet du puits va se réchauffer chaque jour un peu plus tant qu’on l’utilise en mode « rafraîchir ». Si le puits fonctionne aussi la nuit, et que la nuit est fraîche, alors la nuit va inverser le processus, mais la nuit étant bien plus courte que le jour pendant l’été, de toute façon le puits va se réchauffer. Dans le pire des cas, le puits sera devenu complètement chaud avant la fin de l’été, ce qui rendra alors son usage impossible pour le reste de la saison. Dans l’idéal, il faudrait utiliser ce puits toute l’année pour que la chaleur qu’il emmagasine l’été puisse être dissipée pendant l’hiver, et vice-versa. On voit que cette solution peut marcher mais n’est pas dénuée de risque, notamment si le climat est anormalement chaud. De plus, elle ne fonctionne peut-être même pas sur l’ensemble de la zone méditerranéenne française (et ne fonctionne plus dans les latitudes plus basses, par ex en Espagne, notamment dès qu’on quitte la proximité immédiate de la côte).
2-Inertie + non-étanchéité à l’air
Cette solution consiste à construire un bâtiment pour climat chaud. Il sera donc non plus constitué d’isolant et très étanche, mais constitué de matériaux très lourd, et pas étanche du tout. Le problème étant que les nuits ne sont pas assez froides pour vraiment dissiper la chaleur accumulée dans la masse pendant la journée, et que l’hiver est trop frais pour qu’on puisse laisser la maison totalement ouverte sur l’extérieur. La bonne méthode est un mix entre le deux : – l’ossature de la maison est lourde et possède une grande inertie thermique – elle est entourée par une coque isolante, qui renvoie le rayonnement solaire l’été et l’empêche de trop chauffer, et qui assure la protection hivernale contre le froid – la maison est conçue pour être très étanche à l’air lorsque toutes les baies sont fermées, mais ces dernières peuvent être entrouvertes pendant toute la saison chaude (ou alors la maison possède des ouvertures saisonnières, qui sont ouvertes en été, et parfaitement étanches en hiver). – la ventilation doit être assurée par un système mécanique pendant l’hiver, mais ce dernier cesse de fonctionner dès la saison chaude lorsque la maison passe en mode « ouvert ». La ventilation devient alors naturelle, assurée par un tirage thermique. – il pourra être fait usage d’un puits canadien qui servira pendant l’hiver (le conduit stockera de la fraîcheur tout en restituant de la chaleur pour la maison), et pendant l’été en insufflation (il restituera la fraîcheur tout en accumulant de la chaleur pour l’hiver). Cette insufflation devra être faite de manière cohérente par rapport à la ventilation naturelle assurée par ailleurs. Il faudra également bien doser les débits et la durée d’utilisation du puits pour ne pas qu’il devienne inutilisable avant la fin de la saison (trop chaud avant la fin de l’été ou trop froid avant la fin de l’hiver – ce dernier risque étant probablement faible vu la faible durée de la saison froide par rapport à la saison chaude). Cette solution semble plus durable dans la mesure où il n’y a pas de risques de surchauffes pendant l’été, ce qui est le principal risque sous ce climat. Les bonnes performances pendant l’hiver seront facilement atteinte grâce à la capacité d’accumulation thermique du bâtiment, et ne dépendrons que du soin apporté à l’étanchéification saisonnière de l’enveloppe. Si le climat se réchauffe, cette maison s’adaptera sans difficulté, au contraire de la première solution.
Conclusion Le principal enseignement que nous pouvons tirer des expériences de maisons passives est que les performances d’hiver sont essentiellement dues à la bonne étanchéité à l’air de l’enveloppe. Augmenter les épaisseurs d’isolant ne sert à rien si l’enveloppe n’est pas fermée (de même si l’isolant est mal placé !). Le terme d’enveloppe n’a rien d’anodin. Il faut la comparer à une couverture : la rendre confortable passera d’abord par en colmater tous les trous et assurer un recouvrement complet de l’occupant. Une couverture de faible épaisseur mais coupe-vent protège mieux qu’une épaisse couverture toute trouée. Évidemment, une épaisse couverture coupe-vent, c’est encore mieux ! Mais il est nécessaire d’adapter la démarche aux variations locales du climat, et tout particulièrement dans la zone méditerranéenne si l’on ne veut pas que l’épaisseur de la couverture se retourne contre nous.
Des labels et des certifications pour quoi ?
La France ne sait pas construire pour le moment des maisons passives. La réglementation thermique française n’impose pas la construction de telles maisons, c’est le moins qu’on puisse dire, et les entreprises françaises n’ont pas le savoir-faire actuellement pour réaliser des bâtiments étanches à l’air. Pourtant les objectifs semblent être d’aboutir d’ici 2020 à la généralisation du passif, ce qui implique une véritable révolution des compétences pour tout le secteur du bâtiment. Les labels sont utiles aujourd’hui pour s’y retrouver dans les offres de ce marché naissant (car qui dit marché dit vente d’un peu tout et n’importe quoi). Les labels servent aussi de point de repère pour faire évoluer les réglementations. En matière de construction passive, il existe en France trois labels possibles : passivhaus, minergie P, et effinergie P à venir. Ces trois labels se basent sur des méthodes de calculs différentes, mais en obtenir un signifie avoir réussi à construire une maison passive, ces différences auront donc plus d’intérêt pour les concepteurs et les réalisateurs du bâtiment que pour son usager. Pour plus d’informations sur les différences entre ces labels, vous pouvez consulter notre dossier dédié. Notez que ces labels ne sont pas équivalents à la réglementation française. Sauf le effinergie P en préparation, les deux autres se basent sur des méthodes de calculs non réglementaire en France (allemand-européen pour le premier, et suisse pour le second). Cependant, cela ne doit pas vous arrêter si c’est bien la qualité du résultat final qui vous intéresse, car ces deux démarches sont reconnues au moins dans leurs pays d’origine, et sont en passe d’y servir de base pour l’élaboration des nouvelles réglementations thermiques. Gageons que la France cesse de tenter de réinventer le poudre et suive cette route déjà tracée (surtout si les objectifs de construire tout en passif d’ici 2020 sont plus que simple poudre aux yeux !).
La démarche passive que peut-on en attendre ?
Nous avons déjà pratiquement répondu à cette question. Au départ recherche et développement, la démarche passive semble bel et bien en passe de devenir la norme de demain en matière de construction. Et demain, c’est bientôt. La démarche passive n’a plus que deux faiblesses à résoudre pour vraiment s’imposer : améliorer sa qualité écologique dans le choix des matériaux, techniques, procédés qu’elle utilise. Au départ les démarches ne prenaient en compte que la performance thermique, et cela s’est traduit sur le terrain par des bâtiments performants, mais construits avec des matériaux polluants, écologiquement discutables, voire malsains. Ce départ a également entraîné une sorte de conflit entre les tenants de constructions très performantes même si leur écobilan n’est pas formidable, contre les tenants de constructions écologiquement irréprochables, mais thermiquement largement moins bonnes. La démarche passive sera mature lorsqu’elle aura définitivement réconciliés ces deux partis. L’autre faiblesse, c’est l’immense chantier de la rénovation. Les démarches passives sont peu présentes sur les marchés de la rénovation, simplement pour des raisons techniques : rénover passif n’est pas du tout aussi simple que de construire passif en neuf. Les techniques sont très différentes, et les produits aussi. Par ailleurs, les peuples européens sont de vieilles civilisations et elles tiennent à leur histoire. La rénovation de toutes leurs « vieilles pierres » se heurte à la préservation du patrimoine qu’elles représentent. Pour le moment, le choix de garder l’aspect de l’ancien prédomine, et il rend les solutions techniques tellement complexes et chères que la démarche passive y reste marginale. Mais l’avenir nous promet de vastes changements climatiques, qui auront certainement comme répercussion des changements tout aussi vastes sur nos priorités. Réussir à rénover passif est la seule vraie manière d’avoir un impact sur les conséquences climatiques du bâtiment. En effet, on construit environ 1% de logements neufs par an, mais ce ne sont pas des logements anciens qui sont transformés : ce sont des logements supplémentaires. On ne transformera donc pas le parc immobilier en habitats passifs sans rénover les maisons existantes. Tant que nous ne le faisons pas, nous n’auront d’ailleurs qu’un impact tout à fait négligeable sur les consommations d’énergies fossiles, même en considérant que les bâtiments neufs construits chaque année soient tous passifs !
Mais tout cela ne vous suffit pas et vous souhaitez vous passer complètement de chauffage ? Qu’à cela ne tienne : c’est possible aussi ! Par contre autant vous le dire tout de suite, la maison ainsi conçue, bioclimatique ET passive, ne ressemblera pas à une maison. Et je le rappelle aussi, l’exemple qui suis n’est valable que pour un climat correspondant au climat précédemment défini (semi-continental tempéré).
Bonjour, merci pour cet excellent site.
Notre maison n’as pas besoin de chauffage et pourtant elle ressemble un peu à une maison.
Bravo pour votre projet 🙂
Le propos était surtout de dire que cela ne ressemble pas à un pavillon de lotissement 🙂