Cet article se veut une introduction au sujet de l’analyse multi critères, en analysant les différents défauts/points de faiblesses des indicateurs de performance thermique actuels et leurs conséquences, et propose une démarche alternative.
Article initialement publié en juin 2012, mis à jour en octobre 2014
Indicateur (Définition wikipedia) : Un indicateur est un outil d’évaluation et d’aide à la décision grâce auquel on va pouvoir mesurer une situation ou une tendance, de façon relativement objective, à un instant donné, ou dans le temps et/ou l’espace. Un indicateur se veut être une sorte de résumé d’informations complexes offrant la possibilité à des acteurs différents (scientifiques, gestionnaires, politiques et citoyens) de dialoguer entre eux
Constats :
Si question était posée aux maitres d’ouvrage ou professionnels de l’acte de construire de définir les valeurs cibles à atteindre pour qu’un bâtiment soit considéré comme performant, la valeur « 50 kWh/m² » reviendrait très fréquemment, à juste titre puisque celle ci est utilisée dans les diagnostics de performance énergétique (il s’agit de la cible à atteindre de la classe A), dans la RT2012 (c’est la valeur cible utilisée comme garde fou pour cadrer les consommations d’énergie). Cet indicateur est fortement implanté dans la culture commune des acteurs du bâtiments et maîtres d’ouvrage : c’est une valeur cible simple à mémoriser.
Si l’on cherche à rentrer dans le détail, il est moins fréquent que les maitres d’ouvrage associent à quels kWh il s’agit (énergie utile, énergie finale, énergie primaire ?), à quel m² de surface (m² habitable, m² SHON), ou à quel périmètre (Chauffage, chauffage et eau chaude, toutes les consommations ?), encore moins à quel référentiel et hypothèses de calcul (réalité des consommations ou calcul conventionnel ?).
Par principe, toutes ces questions sont pourtant déterminantes, une valeur cible qui n’est pas associée à son cadre ne signifie rien dans l’absolu. Le 50 de la RT2012 n’a rien à voir avec le 50 du DPE par exemple, chacun d’eux n’exprimant par ailleurs pas la même chose que les référentiels utilisés dans d’autres pays (même si on peut regretter l’absence de convergence des référentiels sur ces sujets). Ces divergences, qui sont peu connues du grand public, sont parfois même entretenues par certaines communications proposant des comparaisons hasardeuses, le plus fréquemment entre labels ou réglementation française et démarche passive,
Citons par exemple le document de l’ademe « certifications et labels », qui en présentant la démarche passive, tout en précisant en amont que les référentiels ne sont pas identiques, en vient à dire que le BBC constitue une exigence plus élevée, alors que les bâtiments passifs ont des caractéristiques thermiques qui vont bien au delà de la pratique en BBC/RT2012.
Le dossier de presse de la RT2012 publié par la DHUP laissait également entendre que la RT2012 était plus ambitieuse que le passif, alors que ce n’est pas le cas.
On reconnaitra le pas en avant permis par les démarches basse consommation (le label BBC Effinergie en premier lieu, puis la RT2012), mais on devra quand même poser cette question centrale : est il raisonnable de laisser entendre qu’un unique indicateur Cep exprimé en énergie primaire traduitl comme il faut la performance d’un projet ?
Pourquoi en effet raisonner sur un unique critère en énergie primaire, alors que les enjeux environnementaux sont multiples ?
Par exemple, les indicateurs répondent-ils aux bonnes questions ?
Cela récompense t-il les projets vertueux sur les objectifs suivant :
‐ > vis à vis du changement climatique ? De la réduction de la dépendance vis à vis des énergies fossiles, fissiles ?
‐ > vis à vis de la maitrise des coûts de fonctionnement et maintenance ? Cela permet-il d’assurer un bon confort thermique pour l’usager ?
La réponse à cette question est … »cela dépend ». Rien n’empêche en effet que des projets conformes soient fortement dépendants des énergies fossiles (l’obligation de recours au renouvelable dans la RT2012 n’est pas significative, et très souvent, les projets utilisant la biomasse sont pénalisés paradoxalement), rien n’empêche que le projet ait des émissions de gaz à effet de serre largement supérieure à l’objectif facteur4, pour la simple raison que cela n’est pas évalué. Quant au confort, d’été uniquement, il est évalué mais la méthode de calcul n’est pas pertinente !
Le calcul thermique se heurte lui à la complexité de modélisation du comportement thermique, que traduit très imparfaitement le moteur de calcul RT2012 : le confort par exemple se définit par une multiplicité de critères et phénomènes physiques, et on ne peut pas se contenter de l’approche énergétique, qui est en soit insuffisante. les déterminants du confort pour les usagers relevant d’une analyse sociologique. Donc comment traduire cette complexité du comportement thermique, et la prise en compte de l’usage ? Les indicateurs ne peuvent pas viser l’exhaustivité ou l’exactitude, cela reste une estimation grossière. Par contre, ils peuvent et doivent se donner pour objectif d’être des marqueurs importants, consensuels, permettant à chacun de vérifier si ce qui est construit ou rénové est pertinent.
On pourrait dire, rien n’empêche d’aller plus loin que les simples indicateurs de la RT2012… Mais cette approche « monocritère » imposée (nd : nous utiliserons dans ce document le terme de monocritère pour désigner les approches focalisées sur un unique indicateur en énergie primaire) reste à minima un prérequis : les maîtres d’ouvrage sont incités (via réglementations thermiques, aides financières) à correctement se situer sur ses indicateurs et ne sont pas incités à voir plus loin. Si l’on reprend la définition wikipédia plus haut, ils constituent donc bien de puissants leviers pour l’évaluation et l’aide à la décision.
Ce document est une réflexion personnelle basée sur mon retour d’expérience, qui m’ont amené depuis quelques années à revoir ma pratique, construire mes propres outils et indicateurs et les tester sur des projets, avec plus ou moins de succès. La critique que je fais de l’approche monocritère pourrait être découpée ainsi :
Remise en cause l’approche monocritère en 5 points :
– Sur les valeurs cibles
Les indicateurs utilisés jusqu’à présent reposent sur des référentiels qui évoluent régulièrement : la valeur de « 50 kWh/m².a » citée plus tôt par exemple, utilisée pour définir le bâtiment basse consommation (BBC) a vu sa définition changer plusieurs fois depuis son introduction. Concrètement, la règle de la RT2005 est différente du DPE, elle-même différente du BBC, elle-même différente de la RT2012 (A chaque fois, les surfaces de référence ont une définition différente, le périmètre de calcul -le nombre d’usages pris en compte n’est pas le même-, voire les coefficients utilisés pour définir l’énergie primaire des sources d’énergie est différent).
Un exemple pour bien comprendre dans quel « fourbi » les thermiciens doivent naviguer :
Tout cela est issu d’un même calcul BBC/RT2005. Nous pourrions ajouter que selon le référentiel passif, la maison est à 15 kWh/m².a et à 60 kWhepnr/m².a tous usages, et que si un calcul RT2012 avait été réalisé, le résultat aurait été encore complétement différent du fait des modifications effectuées sur les exigences entre les 2 réglementations.
Une telle instabilité donne le tournis : la seule chose a peu près stable étant la valeur de 50, c’est en soit une bizarrerie. Ce qui devrait être stable c’est la définition du concept bâtiment basse consommation ! Or les retours d’expérience montrent par exemple qu’entre la méthode de calcul du BBC et de la RT2012, les résultats sont 15% plus favorables : cela qui se traduit par des niveaux d’isolation inférieurs en RT2012 par rapport au BBC, alors qu’initialement la RT2012 était censée être une transposition du BBC. Le plus souvent, ces changements sont le résultat d’arbitrages politiques non concertés (en tout cas, les praticiens ne sont pas conviés à donner leur avis) : ce sont les lobbies de l’énergie, de certains acteurs réticents à changer leur manière de faire, qui sont les plus écoutés
Autre point important, les logiciels de calculs énergétiques, sur une simple notion aussi basique que les besoins de chauffage (quelle quantité de chaleur nécessaire pour chauffer une maison), peuvent présenter des variations de 300 % dans les résultats obtenus en fonction des logiciels utilisés : on sera surpris par exemple que l’un des leviers pour baisser la consommation calculée, ce soit de baisser la température prise en référence, qui fait qu‘il y a à l’heure actuelle plus de 3°C d’écart entre la température moyenne des logements et la température prise en référence dans les calculs ! Cette « aberration » ne se produirait pas si les référentiels étaient établis à partir des résultats réels constatés en moyenne sur les bâtiments basse consommation et se donnaient pour ambition d’estimer précisément la consommation future médiane des bâtiments.
Dans la situation actuelle : les calculs doivent donc être remis dans leur contexte, c’est à dire le référentiel utilisé : ils ne signifient rien dans l’absolu, même s’ils restent pertinents (par exemple, il est intéressant de comprendre pourquoi le concept passif fonctionne à partir de 15 kWh/m².a, il est idiot de se baser sur cette valeur quand on réalise un calcul RT2012 pour dire qu’un projet est passif ou pas). La culture du chiffre calculé, élément majeur dans la caractérisation de la performance des projets repose donc sur des fondations particulièrement instables.
– Sur le choix des indicateurs.
Le choix d’un indicateur (ainsi que les seuils qui lui sont liés) relève d’un arbitrage, basé sur la compréhension qu’un petit groupe d’acteurs plus ou moins représentatif et compétent se fait des problématiques globales. Quand un référentiel propose des indicateurs, c’est la conclusion d’une réflexion en amont qui aura arbitré sur l’ensemble des problématiques énergétiques. Une bonne illustration de cela, c’est que chaque pays propose ses réflexions, adaptées à son besoin (ce sujet des référentiels est d’ailleurs passionnant, et un élément de culture générale pour les praticiens, savoir que les approches sont différentes évite de sacraliser les indicateurs francais).
Un choix d’indicateurs a des conséquences concrète sur l’image des bâtiments. Par exemple, arrêtons nous sur la polémique grandissante autour du défaut de pertinence du calcul DPE sur les bâtiments antérieurs à 1950.
Pour résumer grossièrement, l’outil DPE est utilisé pour établir la classe énergie d’un logement, et informer les usagers sur la performance énergétique du bien qu’ils achètent ou louent. Cela part d’un principe de départ louable (et même indispensable pour que la performance thermique soit un critère de décision pour l’acte d’achat/location). Il s’appuie sur 2 indicateurs : l’énergie primaire et les émissions CO2 pour le chauffage et l’eau chaude, ramenés au m² habitable. Des seuils sont établis avec des codes couleurs. Son but est d’influer sur la valeur patrimoniale du logement (faire que les acheteurs potentiels prennent en compte la thermique comme un critère d’achat) et va également inciter le propriétaire à des actions d’amélioration : est-il nécessaire d’isoler, faut-il isoler ou simplement apporter une correction thermique ?
Le problème principal, c’est que l’outil n’est pas fiable du tout. Sur les bâtis traditionnels, depuis des années des défauts de pertinence sont mis en lumière, qui concluent à un écart significatif entre le calcul et la réalité des consommations : le logiciel surestime considérablement les consommations d’énergie et n’arrive pas à modéliser correctement le comportement hygrothermique complexe des murs anciens. De ce fait, il remet en cause des solutions constructives traditionnelles sur le postulat que la résistance thermique des murs serait trop faible. Voir pire encore, l’utilisation d’un tel logiciel (ou son équivalent la RT2005 existant) peut amener les professionnels réalisant le diagnostic à prescrire des solutions d’amélioration thermique qui risquent de dégrader le fonctionnement du bâti à terme (car cet outil est incapable d’indiquer les risques de pathologies induites par les solutions de rénovation).
On critiquera le manque de pertinence de l’outil mais il nous semble qu’en premier lieu ce sont les indicateurs retenus par le DPE qui posent question : notamment sur le fait de se baser sur l’énergie primaire qui part d’un a priori : cet indicateur permettrait de qualifier équitablement la consommation d’énergie du bâtiment. Ce choix est discutable : cela ne permet pas de différencier les énergies locales et renouvelables des consommations fossiles et fissiles. cela ne comptabilise pas le cycle amont (combien de pétrole nécessaire pour que la ressource utilisée soit extraite, acheminée sur site?), ni la pollution induite. Cela ne dit pas si le bâtiment est confortable et peu coûteux à l’usage (l’usage n’est pas étudié). Cet indicateur ne s’intéresse donc pas aux conséquences environnementales et aux coûts de fonctionnements.
Remettre en cause le choix de cet indicateur est nécessaire pour modifier la perception du bâti traditionnel, par exemple remplacer le concept « énergie primaire » par « énergie fossile/fissile » aboutirait, si l’on prend l’exemple d’un logement chauffé avec un petit poêle de masse d’un résultat de plus de 200 kWhep/m².a sur le DPE, à 25 kWhep/m².a ! Soit d’une considération qui implique travaux impératifs sur l’enveloppe du bâtiment pour améliorer le bilan thermique à une considération ou le mode de chauffage de ce bâtiment n’implique pas une dépendance forte aux énergies fossiles ni d’émissions CO2 problématiques, un jugement radicalement différent (il ne s’agit pas pour nous de dire que le bati traditionnel n’a pas à être amélioré thermiquement, mais qu’il faut élargir le champ de réflexion pour adapter le type de travaux aux situations rencontrées). Le choix de l’indicateur n’est donc pas neutre, il peut amener à une remise en cause des éléments d’appréciation objectifs pour les utilisateurs du bilan. C’est un choix avant tout politique : si l’on veut inciter à une réduction de la dépendance aux énergies fossiles et encourager le recours aux énergies renouvelables locales, il est nécessaire de modifier la définition des indicateurs. A l’heure actuelle, un kWh de bois n’est pas valorisé par rapport à un kWh de pétrole et c’est absurde.
Sur les labels BBC.
Le recours au label constitue un refuge pour le maître d’ouvrage qui souhaite un bâtiment efficace. L’état confie à un certificateur le rôle d’analyser le projet et déterminer s’il répond au cadre défini (en général le label est défini dans un arrêté). Cela fait rentrer une « tierce partie », indépendante des acteurs du projet, ce qui augmente l’objectivité de l’analyse. Le certificateur propose un ensemble de critères, une méthode d’évaluation et un examen final donnant droit à attribution du label au maitre d’ouvrage qui « garantit » le bon fonctionnement du bâtiment. Là encore, si le principe est sur le papier vertueux, cette simplification s’opère au détriment de l’appropriation par les maîtres d’ouvrage des indicateurs : ils ne sont pas à l’origine du référentiel, ils ne l’ajustent pas à leur besoin : on leur demande juste de respecter ce cahier des charges établi par ce tiers extérieur au projet. Est-il pertinent d’appliquer ce référentiel sur le bâtiment en question ? Les préconisations correspondent-ils au besoin des utilisateurs ? Tout cela n’est pas discuté.
Par exemple, nous avons eu l’occasion d’étudier l’efficacité à l’usage d’un ensemble de logements très sociaux rénovés au format BBC rénovation en phase exploitation. Sans constituer un modèle, Cela constitue un cas intéressant car le maître d’ouvrage souhaitant une rénovation efficace, adaptée aux problèmes des usagers, il s’appuie sur ce référentiel pour orienter sa rénovation (ici le BBC Effinergie rénovation).
– Premier constat : les choix réalisés seront conventionnels (isolation en polystyrène forte épaisseur sur du bâti ancien), avec chauffage électrique : on combine donc forte énergie grise, potentiellement des problèmes de pathologies sur le bâti. Mais la pérennité/pertinence des solutions de rénovation par rapport au support (le mur ancien) n’est pas prise en compte par le BBC (ce qui est étonnant quand on sait que c’est un point sensible), de même que l’énergie grise des solutions constructives (cette question est toujours remise à plus tard). Ce qui fait qu’il n’est pas dit que le projet « basse consommation » soit forcément « vertueux » d’un point de vue environnemental, ce qui est quand même paradoxal, vu qu’initialement la démarche se voulait une réponse au changement climatique en cours.
– Deuxième constat : les logements ici montraient à l’exploitation un écart sensible avec le calcul (80 kWh/m².a calculés, 360 kWh/m².a constatés, coûts de fonctionnement autour de 20 euros/m² -Un logement efficace se situerait environ à 6 euros/m² pour tous ses usages-). La pertinence des solutions choisies et leur mise en œuvre est mise en cause car elle est discutable. mais le label se basera lui uniquement sur le calcul théorique réalisé en amont et pas la réalité constatée. La « garantie » de résultat du label par le certificateur étant le plus souvent confinée à la vérification du calcul thermique et des données thermiques des matériaux isolants et systèmes, pas la pertinence globale des choix de rénovation.
Le plus problématique, c’est que le référentiel BBC ne s’intéresse ni à la consommation d’énergie fossile, ni au changement climatique (émissions CO2), ni aux coûts de fonctionnements, abonnements, maintenance, ni au comportement hygrothermique et à l’énergie grise des solutions rapportées, ni tout simplement aux données réelles. Il y a bien des documents de sensibilisation, mais les cibles à atteindre et le contenu des exigences n’en tiennent aucun compte, présupposant que si le bâtiment est calculé à 80 kWh d’énergie primaire par m², c’est qu’il est forcément bon… Et bien non.
Voire même, en préconisant des solutions de rénovation entièrement centrée sur le bâti, la démarche exclut des solutions intermédiaires de « correction thermique » visant avant tout l’amélioration du confort, qui s’avèrent assez fréquemment d’excellents compromis quand on regarde les résultats réels, du fait que le calcul thermique théorique n’est pas bon, ou que la valeur de résistance thermique n’est pas suffisante.
Il n’est donc pas étonnant que des écarts entre le souhait de départ du maître d’ouvrage et le bilan réel d’usage soient importants. Les données de calcul sont les seuls éléments évalués, les utilisateurs n’étant considérés que comme des « scénarios conventionnels » génériques. Sans constituer une règle (tous les projets BBC rénovation ne présentent pas de dysfonctionnements, loin de la), force est donc de constater que l’orientation des projets de construction sous l’angle du label n’apporte pas forcément des réponses satisfaisantes, et qu’un principe de base ressort : adapter les exigences en fonction de la typologie du projet et l’usage réel des lieux.
Sur les outils d’évaluation.
Une des critiques majeures sur la RT2012 porte sur la place donnée aux usagers des lieux, traitée par l’outil de calcul par des scénarios conventionnels (une méthode dite conventionnelle utilise des conventions de calcul basées sur des usages non paramétrables, entre autres spécificités) opaques non ajustables. La question posée est celle de la pertinence d’un outil et des informations qu’il produit, en regard avec le grand écart induit par le fait qu’il ne tient pas compte des usages réels.
Exemple est donné de l’application de la RT2012, sur les logements ou les scénarios présentent des biais sciemment introduits pour baisser artificiellement le besoin d’énergie calculé, et sur le tertiaire ou en plus, se pose le problème de la non exhaustivité des choix (il est assez fréquent que l’usage d’un bâtiment ne corresponde à aucun choix proposé par la RT2012), et sur les commerces ou les hypothèses gravées dans le marbre du logiciel sur l’éclairage impliquent des consommations calculées astronomiques et l’obligation de recourir à la climatisation (voir à ce sujet les nombreux billets de blogs analysant cette question spécifique)
Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’un outil comme la RT2012 réunit un modèle assez complexe, basé sur des équations de physique (explicitées dans les 1500 pages des règles Th-BCE) pour lequel une simplification drastique est opérée (sur l’inertie, le confort estival, les systèmes, etc), et des hypothèses d’entrée choisies par le CSTB (les données d’usage) dont le principe est de « standardiser » ce qui est par nature hétérogène. Cet outil réunit donc des données objectives (le calcul physique) et des données hautement subjectives (la perception à priori de l’usage des bâtiments, les simplifications opérées au moteur de calcul).
Faire du calcul RT2012 consiste donc en un travail d’équilibriste pour les thermiciens : si on retire la possibilité de personnaliser les données d’usage, on transforme le métier d’analyste en « opérateur » : peut importe qui fait le calcul, le résultat doit être le même. Ceci alors que la compétence de thermicien dépend pour une large part de sa compréhension de l’usage et des besoins, et repose avant tout sur le retour d’expérience qu’il fait sur le comportement réel des bâtiments qu’il étudie, il ne peut pas le traduire dans les calculs qu’il réalise.
C’est toute la difficulté posée par les outils logiciels imposés comme le calcul RT 2012 : cette volonté affichée par le CSTB d’évaluer les consommations et données de confort du bâtiment couplée à cette impossibilité de paramétrage des données d’usage rendent de fait impossible toute évaluation exploitable.
Sur la gouvernance.
Sa pertinence discutable n’est toutefois pas remise en cause par leurs promoteurs, qui par exemple dans la démarche « HQE performance » ou le BBC+ rendent son utilisation obligatoire, comme seul et unique moyen de calculer des consommations, alors que cet outil n’a rien de prédictif du fait de l’absence de prise en compte des données d’usage réelles. C’est le cas sur les outils de thermique, sur les calculs d’énergie grise, sur l’eau, etc. Alors qu’il existe de nombreux outils de calcul assez poussés (notamment la simulation thermique dynamique), et que les outils et méthodologies du CSTB font polémique (sur la RT2012, sur l’énergie grise –ou le discours du CSTB est assez semblable à celui de l’industrie du béton-), les référentiels interdisent tout recours à d’autres logiciels que ceux du CSTB.
Cela pose la question de la gouvernance sur les moyens de justifier les projets. Cette « CSTB-isation » des outils de calcul traduit cette mise sous tutelle des outils d’analyse et contraignent les acteurs de terrain à les utiliser, via des obligations réglementaires et mainmises sur les référentiels connus.
Pistes : redonner du sens
Le cadre actuel marginalise des démarches alternatives mais l’analyse multi critères est un moyen pour y remettre de l’ordre, en se fixant pour objectif de redéfinir les indicateurs sur l’énergie pour les rendre objectifs et consensuels, permettant de servir d’interface de dialogue avec les acteurs du projet, et sensibilisant chacun.
La première étape est de définir les fondamentaux : traduire ce qui est nécessaire, ce qui est souhaité. On ne peut évidemment réduire un projet à une « note » globale, ni rassembler tous les thèmes au sein d’une évaluation unique et rigide. Mais si l’on voulait traduire le thème énergie en objectifs à étudier, cela donnerait par exemple ce découpage :
Les problématiques environnementales sur l’énergie :
• la dépendance aux énergies fossiles : viser une indépendance complète
• les émissions de gaz à effet de serre : ne pas émettre plus que ce que l’environnement ne peut absorber
En dissociant ce qui relève des consommations et de l’énergie incorporée (énergie grise et bilan carbone)Les problématiques concernant l’usager :
• réduire les coûts de fonctionnement et maintenance
• Optimiser le confort thermique en toute saisonles problématiques du maître d’ouvrage :
• Pouvoir financer le projet
Les problématiques locales :
• Favoriser les circuits courts sur les matériaux et les énergies renouvelables
• + les externalités (sur le déplacement, l’insertion dans le territoire, le foncier, ect)
Il ne s’agit pas de substituer des chiffres à d’autres chiffres, mais d’inscrire un processus de réflexion sur le projet ou les thématiques ne sont pas occultées, et ou les choix de gouvernance impliquent les différents acteurs du projet (tout part de l’analyse avec les acteurs du projet au moment du programme). Cela implique également une réappropriation des outils d’évaluation qui vient en appui de la réflexion au fil de l’avancement du projet.
Nous lui fixons les buts suivants :
- Formaliser les objectifs de la maîtrise d’ouvrage
- Définir collectivement une méthodologie pour les valider aux différentes étapes du projet
- Servir d’outil d’aide à la décision
- Caractériser l’impact environnemental d’un bâtiment
- Comparer des projets sur une base commune et transparente
- Organiser le retour d’expérience, considérant que seul le résultat constaté à l’usage prévaut dans une logique de performance
Si ces démarches ne permettent pas de résoudre les contradictions réglementaires (la RT est obligatoire ; renoncer au labels implique souvent de renoncer à des aides financières), ce mode d’évaluation des projets est plus motivant pour les maîtres d’ouvrage qui se l’approprient en général facilement ; si cela ne conduit pas toujours à des réussites au niveau du résultat, cela permet toutefois d’en comprendre les causes et de constituer un retour d’expérience pour agir sur les causes extérieures au projet (développement des filières par exemple, réglementations ou obligations locales -PLU- inadaptés). Ces méthodes constituent donc à la fois un processus de conduite de projet et un outil politique pour apporter dans un second temps une réponse aux problèmes identifiés.
Un article très complet et documenté, bravo.