Le brise-soleil (et ses fabuleux mystères)
Dossier réalisé par Ugo Degrigny – 2020
De quoi parle-t-on ?
Un brise-soleil, comme son nom l’indique sert à briser le so…
Hé bien non ! Si j’écris cet article c’est précisément parce que la plupart d’entre eux sur les bâtiments modernes et récents ne servent pas à briser le soleil, mais jouent plutôt un rôle disons… Décoratif ? Esthétique ? Ou satisfont à une sorte de mode qui comme toutes les autres, finira par passer en laissant derrière elle son cortège de témoignages kitch ou amusants (dans le meilleur des cas).
Et pourtant, le brise-soleil n’est pas une invention récente. C’est en réalité un élément architectural traditionnel de toutes les constructions des régions tempérées chaudes et tropicales. Dans un climat chaud, une baie doit répondre à l’impératif de fournir de la lumière tout en évitant de faire entrer de la chaleur. Il est également nécessaire qu’elle laisse passer l’air, indispensable au rafraîchissement des occupants. Tous les peuples du pourtour méditerranéen, de l’Afrique du nord, et du moyen-orient, ont développés toutes sortes de dispositifs servant de brise-soleil. On retrouve ainsi dans des temples égyptiens antiques, puis mésopotamiens, et grecs, différentes sortes de claustras, qui, si elles sont souvent joliment travaillées, n’étaient pas là pour « faire joli ».
Le monde musulman en tirera les Moucharabieh, pendant le moyen-âge, qui à leur tour influenceront l’Europe via les croisades et l’architecture andalouse pour découler sur les « persiennes » , un volet qui est devenu traditionnel dans les parties méridionales de la France depuis lors, et qui a équipé les façades des constructions pendant quelques siècles jusqu’à nos jours.
Jalousies, stores vénitiens et autres brise-soleil contemporains étant leurs descendants.
A ce stade vous devriez bien voir la logique générale : un brise-soleil, ça sert à se protéger de la chaleur. Voir d’une trop forte luminosité, mais en tout cas d’un soleil d’été.
Mais alors… Comment se fait-il que les brise-soleil contemporains fassent souvent plus d’ombre en hiver qu’en été ? Voir pas d’ombre du tout en été ? → vous le demanderez à ceux qui les ont conçus.
Pour ma part j’ai une explication à vous donner, qui ne leur fera pas plaisir, mais j’assume. Il s’agit d’un problème issu d’une erreur de conception : lorsqu’on met trop de vitres sur un bâtiment, et qu’en plus ses usagers utilisent des équipements d’images projetées (écrans TV ou d’ordinateurs, vidéo projecteurs, etc.) alors il se produit tout naturellement que le soleil d’hiver les éblouit et fasse des reflets parasites, et qu’ils doivent s’en protéger parce qu’il les empêche de travailler. C’est bien dommage, car ce soleil apporte aussi de la chaleur, qui aurait été bien utile au bâtiment pour réduire sa consommation de chauffage. Alors chers amis concepteurs, si vous pensez qu’un bâtiment n’a pas besoin de se préoccuper de ses usagers, je pense que vous avez raté votre vocation : il fallait devenir sculpteurs ! Vous auriez ainsi pu produire des œuvres d’arts sans prendre en compte ni l’environnement ni les usagers, et vous nous auriez évité de remplir le monde entier de bâtiments absurdes qu’il nous faut maintenant corriger à grands frais pour les rendre (à peu près) utilisables : il y a tellement de gens qui se reconvertissent et changent de métier, alors… pourquoi pas vous ? Faites un beau geste pour la planète 😉
Ou alors, allons jusqu’au bout de l’absurde, et après les tours de bureaux en verre construites en plein désert, et remplies de gens qui tentent de bosser sur des ordinateurs, faisons carrément des salles de cinéma avec des patio puits de lumière. Non ? Mais… Avec un vitrage high-tech spécial qui s’obscurcit quand l’écran s’allume et… non ?… (je dis ça pour me moquer mais… Si ça se trouve…)
Bref, laissons là nos apprentis concepteurs et allons donc voir comment dimensionner un bon brise-soleil d’été, destiné à faire de l’ombre en été mais pas en hiver, permettant ainsi d’avoir la fraîcheur en été sans être obligé d’occulter complètement les baies, tout en conservant une luminosité et des apports solaires maximum en hiver.
Et comme nous sommes gentils, nous verrons quand même, tout à la fin de cet article, quelques moyens pour lutter contre un éblouissement hivernal, même si ce n’est pas la fonction d’un brise-soleil.
Et tant que faire ce peu, essayons d’éviter d’en arriver là à cette façade :
Il est clair que les gens qui vivent ou ont vécu ici avaient un soucis à régler avec l’insolation de leur logement. Mais la surabondance des systèmes incline à penser qu’ils ne sont pas parvenu à une solution satisfaisante…
Le dimensionnement
C’est le soleil qui nous dicte sa loi, le brise-soleil devra donc être conçu à partir de la trajectoire parcourue par le soleil sur un site donné. Hors masques solaires locaux (arbres, autres bâtiments, relief…) cette trajectoire est conditionnée avant tout par la latitude et la date, par exemple pour Paris : … Non tiens, réflexion faite, pour Bourges, qui est plus près du centre géographique de la France.
Pour une façade SUD
Deux paramètres nous intéressent : l’inclinaison du soleil au solstice d’été (21 juin à midi solaire) et l’inclinaison au solstice d’hiver (21 décembre à midi). Pour Bourges, à une latitude arrondie à 47° N, cela nous donne 66° en été, et 19° en hiver.
Dans l’objectif d’obtenir une ombre maximale pendant les journées les plus longues, il faudrait donc faire en sorte que le brise-soleil soit constitué d’éléments ayant un chevauchement suivant précisément cet angle de 66° : il garanti qu’à midi solaire au solstice, l’ombre projeté soit complète car le chevauchement ne laissera passer aucun fil de lumière.
Et pour que pendant la journée le plus courte l’ombre portée soit la plus faible, il faut simplement orienter la lame à 19°, ainsi les rayons solaires lui seront parallèles et l’ombre projeté ne sera que de l’épaisseur de la lame.
Ceci nous donne pour une façade plein sud à Bourges, le dessin suivant avec des planches de 12 cm pour 22 mm d’épaisseur:
L’idéal, dans l’absolu, serait que l’épaisseur de la lame soit infiniment fine, mais en pratique, une planche de 2cm ne projette pas tant d’ombre que ça, du moment qu’elle est bien orientée. Pour projeter moins d’ombre en hiver, on peut aussi élargir les lames, de qui permet d’augmenter l’espace libre entre chacun sans changer le recouvrement.
De même, il n’est pas nécessaire que les lames soient orientables, car ainsi dimensionnées, elles vont naturellement produire de plus en plus d’ombre jusqu’au maximum en juin, avec un minimum en décembre, suivant de ce fait les besoins internes en lumière/chaleur. La complexité et la réduction de durabilité induite par un mécanisme pour orienter les lames, ne se justifie pas par les faibles gains générés. En tout cas pour un brise-soleil, situé à l’extérieur du bâtiment, et soumis aux rigueurs des intempéries.
Les changements d’inclinaisons en fonction de la latitude se feront simplement selon le principe suivant : pour chaque degré de latitude gagné, on retire un degré d’inclinaison aux deux angles du brise-soleil.
En résumé pour le territoire métropolitain cela nous donne :
pour 51° (Dunkerque) : 62°/15°
pour 50° (Amiens) : 63°/16°
pour 49° (Paris) : 64°/17°
pour 48° (Orléans) : 65°/18°
pour 47° (Nantes) : 66°/19°
pour 46° (Limoge) : 67°/20°
pour 44° (Avignon) : 69°/22°
pour 43° (Marseilles) : 70°/23°
pour 42° (Perpignan) : 71°/24°
Ces deux angles vont définir également la position idéale du brise-soleil par rapport à la baie :
– Pour l’été : on tire un trait à 66° à partir du pied de la baie : le brise-soleil doit être assez long pour atteindre cette ligne. s’il est plus court, il ne projettera pas une ombre sur la baie entière et laissera le bas de la vitre exposé.
-Pour l’hiver : on tire un trait à 19° à partir du linteau de la baie : le brise-soleil ne doit pas être plus bas que cette ligne, sinon, il projettera toujours de l’ombre sur le haut de la baie.
Notez que tant que vous respectez des deux lignes, la protection solaire peut être entièrement pleine, comme l’ombre qu’elle projette en hiver n’atteint pas les vitres. Mais si la protection solaire doit être plus basse, alors le fait de l’ajourer avec des lames prend tout son sens.
Pour se convaincre de l’intérêt de cette conception, quelques images animées de l’ombrage induit par ce genre de brise-soleil :
Ombrage porté sur la façade sud le 21 juin, de 8h à 18h
Ombrage porté sur la façade sud le 21 décembre, de 8h à 18h
Ombrage porté sur la façade sud en mi saison (septembre ou mars), de 8h à 18h
En détail résumé du cas étudié : schéma de coupe + ombre à midi le 21 juin + ombre à midi le 21 décembre
Et maintenant quelques rendus sur les incidences produites par des modifications
1- bon dimensionnement, lames 2x plus larges :
L’augmentation de la largeur des lames permet un plus grand espacement, et donc, diminue l’ombre portée en hiver (sans la réduire en été)
2- bon dimensionnement, mais lames trop épaisses :
Cela nous rapproche d’une protection solaire entièrement opaque, augmentant l’ombre portée en hiver.
3- pas de chevauchement des lames (lames plus espacées) :
On voit que l’ombre portée est incomplète en été, ce qui signifie plus d’apports solaires néfastes reçus, et donc plus de risque de surchauffe malgré la présence du brise-soleil. En hiver ça ne change rien car sur ce cas de figure, aucune ombre n’est projetée sur les baies de toute façon.
4- bon dimensionnement, mais brise-soleil placé trop près du linteau :
La coupe montre en rouge la zone qui aurait dû rester vide pour ne pas produire d’ombre en hiver. On voit ainsi que la disposition est bonne pour l’été, comme le confirme la visu, mais qu’en hiver le brise-soleil projette de l’ombre sur le haut des baies : utiliser des lames orientée prend tout son sens dans ce cas, en permettant à une partie de la lumière de passer quand même.
4bis, la même chose, mais avec un brise-soleil plus court :
Dans ce cas l’ombre portée d’hiver est de nouveau très faible, en revanche l’ombre d’été n’est plus suffisante pour protéger convenablement les baies qui vont jusqu’au sol. Le brise-soleil plus court parvient juste à protéger une fenêtre normale.
5- bon dimensionnement avec les lames trop près du linteau, mais sur un pan incliné :
Le fait d’incliner le plan de projection des lames permet de les espacer plus tout en maintenant les bonnes inclinaisons, ce qui fait passer plus de lumière et hiver.
5bis- La même chose mais avec à la fois une mauvaise inclinaison et un mauvais chevauchement des lames :
Un cas typique de brise-soleil « pour faire joli » avec des lames inclinées à 45° en contre pente, et aucun chevauchement. Double malus pour ce modèle qui ne fait qu’une ombre très partielle en été, et ombre complètement le haut des baies en hiver…
Et enfin ce que ça donne avec un brise soleil moderne « classique », c’est à dire le même cas que le précédent, mais avec une inclinaison des lames inversée (et toujours une absence de réflexion sur le chevauchement).
Ce cas mérite sans doute plus de détails, voyons donc quelques animations :
Ombrage porté sur la façade sud le 21 juin, de 8h à 18h
Ombrage porté sur la façade sud le 21 décembre, de 8h à 18h
Ombrage porté sur la façade sud en mi saison (septembre ou mars), de 8h à 18h
On constate que l’orientation des lames dans ce sens créé un ombrage complet en toute saison. Un tel brise-soleil n’est donc pas très différent d’une simple avancée de toit (comparez sur les vues avec l’avancée de toit pleine située au premier étage). S’il joue effectivement son rôle en été, il produit également beaucoup d’ombre en intersaison, et même en hiver, ce qui devient contre-productif. En réalité s’il semble produire une ombre un peu moins dense qu’un écran complet, c’est uniquement parce qu’un peu de lumière diffuse (indirecte) passe entre les lames.
Si on utilise juste une avancée de toit, ou un balcon, ou tout autre obstacle entièrement opaque, en guide de brise-soleil, comme nous l’avons vu plus haut, on va retrouver les deux angles fatidiques : si l’avancée de toit se trouve plus basse que l’angle d’inclinaison solaire d’hiver, alors elle projettera une ombre sur le haut de la baie, en toutes saisons, comme jamais le soleil ne pourra se trouver plus bas. Et pour l’été, l’ombre portée ne recouvrira entièrement la baie qu’à la condition que l’extrémité de l’avancée atteigne bien l’angle d’inclinaison estival. Si l’avancée est trop courte, le bas de la baie ne sera pas à l’ombre.
En pratique cela pose une grosse difficulté c’est que la position de l’extrémité de cette avancée de toit ne peut se situer qu’à un endroit précis, fonction de l’éloignement par rapport à la baie, et ça ne correspond pas souvent avec la pente du toit, ce qui conduit à des saillies pas forcément très élégantes.
C’est pourquoi le brise-soleil est une solution souvent plus versatile lorsque la place disponible pour le mettre est limitée et qu’on se trouve obligé de le mettre « trop bas » : cela prend alors tout son sens de faire des lames ajourées au bon angle, pour permettre à de la lumière de passer quand même, là où une protection opaque ou des lames mal orientées auraient produit une ombre pleine et conduit à perdre l’intérêt de la partie du vitrage qui se trouve perpétuellement dans l’ombre.
Pour une façade qui n’est pas parfaitement plein SUD
Plus on s’éloigne du plein sud idéal, et moins le brise soleil fonctionnera. Il projettera de plus en plus d’ombre au mauvais moment, et laissera passer de plus en plus de lumière quand il ne faudrait pas. Il faudra adapter en fonction de l’usage du lieu et des besoins des occupants, et éventuellement recourir à des protections amovibles.
Pour une façade EST ou OUEST
Contrairement à une idée bien répandue, ce ne sont pas les vitrages SUD qui conduisent aux surchauffe en été, mais les vitrages Est, Ouest, et ceux situés en toiture versant sud. Ces derniers évidemment parce qu’ils sont placés à l’endroit qui reçoit le plus d’apports solaires, ce n’est pas par hasard si c’est là qu’on met les capteurs solaires : inutile de s’escrimer à trouver une solution à ça, il n’y en a qu’une → il ne faut pas mettre de vitrage là. Ci-dessous un schéma illustrant la quantité de rayonnement solaire transmis sur les différentes parois d’un cube.
Pour les baies des façades Est et Ouest, seriez-vous tenté de leur mettre elles aussi des brise-soleils tels que ceux que nous avons vu plus haut ? Oui ? Attention il y a un piège, réfléchissez bien…
Un dessin vaut mieux qu’un long discours : façade exposée plein Ouest au soleil du 21 juin de 10h à 19h
Et voilà, ça ne marche pas, parce que quand le soleil frappe cette façade, il n’est plus du tout orienté à 66° car il n’est plus midi, il a considérablement baissé et continue jusqu’à raser l’horizon. Le matin à l’Est, le soir à l’Ouest, même problématique, le soleil est rasant et passe largement sous les protections.Le brise soleil ne projette qu’une ombre modeste quand le soleil vient juste de passer sur la façade en début d’après-midi, mais il le laisse entièrement passer pendant toute la fin de la journée ce qui sera largement suffisant pour provoquer la surchauffe. Pour ces façades, en plus de modifier l’inclinaison et la dimension des lames, il va falloir aussi les agencer différemment dans l’espace. Le brise-soleil va devoir devenir vertical, et se positionner devant l’ensemble de la baie. Tiens mais, ça ressemble à un store vénitien ? C’est exactement ça.
Cette fois-ci, et contrairement aux protection conçues pour le Sud, il nous faut orienter les lames à l’envers de l’inclinaison solaire, car nous voulons bloquer le soleil quand il baisse ce qui nous place dans la situation exactement inverse des façades Sud en hiver où on veut le laisser passer lorsqu’il est bas sur l’horizon : l’orientation historique des persiennes, lames vers le bas vers l’extérieur, est donc parfaitement justifiée.
En hiver, l’inclinaison des lames n’a plus la moindre importance puisque… Le soleil se couche si tôt qu’il a à peine le temps d’atteindre ces façades. L’ombre portée par ces protections d’été restera malgré tout importante, il peut être judicieux de prévoir qu’elles puissent être démontables pour s’escamoter entièrement (option inutile sur les protection Sud). L’autre possibilité étant d’inclure ces protections dans le volet lui-même ce qui nous ramène à la case persienne, ce qui vérifie une fois de plus que les idées les plus simples sont souvent les meilleures.
Quant aux façades Nord, il est inutile d’en parler car le soleil ne les irradie pas sauf au crépuscule et à l’aube pendant les journées se trouvant proche du solstice d’été : il est alors bas sur l’horizon, difficile à stopper, et n’apporte pas beaucoup d’énergie car elle est fortement absorbée par l’atmosphère. Les brises-soleil sont hors sujet sur cette façade.
Le dernier détail qui a son importance concerne la résistance mécanique, car ayant une certaine prise au vent et étant destiné à rester dehors en toutes saisons, le brise-soleil doit pouvoir tenir bon en cas de coups de vents ou même tempêtes. Ceci étant tout particulièrement vrai sur les bâtiments de plusieurs étages, car plus on monte en hauteur et plus les effets du vent seront puissants.
Maximiser les apports en demi-saison
Un petit mot maintenant sur la possibilité d’utiliser un brise-soleil pour fournir un maximum d’apports solaire en intersaison : dans le cas de bâtiments peu performants, comme par exemple tous ces bâtiments scolaires aussi tape à l’œil qu’inefficaces que nos élus adorent faire construire, si le chauffage est encore en service au mois de mars, alors c’est dommage d’avoir un brise-soleil qui fait déjà une ombre importante (la moitié d’une fenêtre sera ombragée en mars, et 1/3 d’une baie vitrée allant jusqu’au sol). Malheureusement il est très compliqué de faire un brise-soleil adapté à toutes les situations : qu’il fasse une ombre complète en été, qu’il n’en fasse aucune en hiver, et un ombrage minimum en mi-saison. Ci-contre une vue en coupe présentant le cas de figure pour un bâtiment de latitude Paris. Les traits à 64° montrent le soleil d’été, ceux à 17° celui d’hiver. Le croisement entre ces deux lignes est, comme nous l’avons vu en préambule, la zone à atteindre pour projeter une ombre en été mais pas en hiver. On voit au dessus les lames d’un brise soleil, orientées à 41°, c’est à dire l’inclinaison du soleil en mars à midi. En jaune, j’ai représenté la lumière qui passera jusqu’à la fenêtre. Ce brise-soleil nous permet ainsi d’obtenir 50% de lumière sur le tiers haut de la baie, qui aurait été sinon quasiment entièrement ombré. On voit que ça n’est pas déterminant, car les 2/3 de la baie sont de toute façon au soleil, le gain est faible. Aussi, si les lames étaient plus espacées, pour laisser passer plus de lumière, alors c’est l’ombrage de plein été qui serait dégradé, en devenant incomplet.
En conclusion : il n’est pas possible de vraiment augmenter les apports solaires en demi saison, en modifiant la forme du brise-soleil. On ne peut pas corriger des mauvais choix de conception d’un bâtiment. S’il était bien conçu, il n’aurai plus besoin de chauffage au mois de mars.
Voyons ensuite le cas inverse : une maison passive, qui voudrait avoir un ombrage complet dès le mois de mars, car elle commencerai à surchauffer dès l’intersaison.
J’ai entouré en rouge le point à atteindre avec notre brise-soleil pour qu’il parvienne à projeter une ombre jusqu’au pied de la baie vitrée. Ce point se trouve à 3 m 82 de la façade… Difficile de continuer d’appeler ça un brise-soleil ! une telle portée serait possible avec une pergola et des plantes grimpantes, mais impossible à envisager autrement, d’autant que pour éviter de faire de l’ombre en hiver, il faudrait aussi respecter le point haut, c’est à dire dans ce cas, 3.4m.
En conclusion : là aussi, il s’agit d’une faute de conception. Une construction passive ne devrait pas surchauffer dès le mois de mars, elle devrait avoir quelque chose pour compenser (un peu d’inertie, ou la possibilité de sur-ventiler dès que le soleil est passé, etc. ). Si le problème est présent, il ne pourra être corrigé qu’au moyen d’un dispositif amovible, tels que volets persienne ou store. Le problème est le même pour un bâtiment tertiaire entièrement vitré, et pas du tout passif : le fait qu’il consomme une quantité délirante d’énergie pour se chauffer en plein hiver ne l’empêchera pas de surchauffer au moindre rayon de soleil. Là encore, une conception absurde produit une ambiance interne absurde qu’aucun système passif rajouté ne parviendra à corriger.
Alternatives aux brises-soleil
Nous avons déjà évoqué plus haut les avancées de toit et balcons, et les limitations de ces objets qui peuvent très bien fonctionner mais imposent de respecter une proportion dictée par le soleil, qui cadrent souvent mal avec les souhaits esthétiques et/ou les réglementations arbitraires et déconnectées des réalités physiques du monde réel
Une alternative fréquente consiste à utiliser des pergolas, notamment pour surplomber une zone de terrasse, et utiliser cette pergola comme support soit pour des lames comme celles d’une brise-soleil, soit pour des plantes grimpantes à feuillage non persistant : cette technique était d’ailleurs traditionnelle sur le pourtour méditerranéen, où l’on utilisait la vigne, qui produisait un feuillage abondant l’été, une pousse rapide, était taillée en hiver pour laisser passer au maximum le soleil, et fournissait en plus du succulent raisin.
La solution cousine de celle-ci consiste tout simplement à planter des arbres à feuillage caduque en amont des baies vitrées Sud. L’efficacité dépendra de la position de l’ombre portée, mais comme l’arbre pousse, c’est une solution dynamique dans le temps, qui tant à être peut efficace au début lorsque l’arbre est encore petit, et « trop » efficace ensuite, lorsque devenu plus grand il produira trop d’ombre également en hiver, interceptant une grande partie de soleil uniquement avec son tronc et ses branches.
Par contre l’arbre produit un effet secondaire qu’aucun occultant artificiel ne peut fournir : il rafraîchi l’air ambiant par son évapo-transpiration.
On aussi peut utiliser des occultations temporaires en tissu ou toiles diverses : stores, parasols ou autres. Là encore ces techniques sont les héritières d’une longue tradition qui perdure encore de nos jours sous la forme des habitats temporaires des peuples nomades dans les déserts chauds. Faire de l’ombre au moyen d’une toile possède plusieurs avantages :
– c’est bon marché
– c’est polyvalent (on peut en changer la dimension, la couleur, l’opacité, la déplacer facilement)
Avantages qui peuvent également se transformer en inconvénients : laissée aux intempéries, la toile s’use rapidement, le vent peut l’arracher, si elle est soutenue par une structure mobile articulée, cette dernière s’use et se brise. Auxquels cas le coût modeste initial peut devenir un gouffre s’il faut réparer sans cesse des occultations temporaires mais utilisées comme si elles étaient permanentes…
Dans tous les cas, il faut bien retenir qu’une protection solaire d’été, pour fonctionner, doit se situer en dehors du bâtiment : le store, la toile, doivent se situer dehors devant la vitre, et non dedans. En effet lorsque la toile intercepte la lumière solaire, elle la transforme en infrarouge, donc elle chauffe, fortement. Si elle se trouve dans le bâtiment, cette chaleur se dissipera dedans, annulant une grande partie du bénéfice de cette protection. Il faut qu’elle se trouve dehors, pour que la chaleur rayonne dehors également.
Enfin dernière possibilité : les films réfléchissants collés sur les vitrages. Il s’agit pour moi d’un « soin palliatif » car si on a besoin d’en mettre, c’est que le vitrage lui-même n’aurait pas dû être mis là où il se trouve, donc, que le bâtiment a été mal conçu (ou qu’il est mal utilisé, ou les deux… ).
C’est mieux que rien, mais la protection fournie est plus faible qu’un dispositif produisant de l’ombre en amont, leur durabilité n’est pas longue non plus, et esthétiquement ils produisent souvent un effet inélégant car les angles se décollent, des bulles apparaissent et… bref. (je voulais mettre une illustration mais étrangement le web regorge de vendeurs de merveilles sur ce genre de produit avec de belles photos quand c’est neuf, pas un mot sur le vieillissement… )
Les vitrages traités réfléchissants sont plus durables, et doivent être privilégiés dans ce cas, mais ils ne résolvent pas la question de l’erreur de conception.
En outre ces deux dispositifs n’absorbent pas la lumière, ils la renvoient en majeure partie, ce qui peut provoquer des problème sur les endroits qui vont recevoir cette lumière réfléchie : les bâtiment situés en face par ex. Attention donc à bien évaluer l’impact que ça va avoir sur l’entourage et de veiller à ne pas produire de nouvelles nuisances !
Contre l’éblouissement
La lumière rasante a un effet éblouissant, contre lequel on ne peut pas se prémunir juste grâce à une bonne conception du bâtiment : que ce soit en début et fin de journée d’été, ou en milieu de journée l’hiver, il y aura de la lumière rasante qui va traverser les pièces. La meilleure protection passe quand même par l’adaptation du lieu à son contexte solaire et aux besoins des usagers :
– Si c’est un bureau rempli d’ordinateurs par ex, il faut que l’éclairage soit indirect en permanence, donc soit qu’il vienne du nord, soit du plafond.
– Si c’est une salle de cours, il faut que l’éclairage arrive par le côté.
– Si c’est une salle de réunion, l’un de ses côtés au moins doit être aveugle et créer une zone d’ombre.
En supposant que la conception a été bien faite, il reste à traiter l’éblouissement normal produit à certains moment de journée ou de saisons : pour le contrôler, il faut convertir la lumière directe en lumière diffuse :
– Directe, c’est lorsque la lumière nous parvient en ligne droite depuis le soleil, il n’y a pas de nuages, le soleil est fort et clair et il projette des ombres très nettes. On ressent une différence très importante de chaleur entre une position dans cette lumière et une position à l’ombre.
– Diffuse, c’est lorsque la lumière a été interceptée par un obstacle translucide, et renvoyée dans toutes les directions. Par exemple des nuages, ou un ciel bas brumeux. On ne ressent pas de différence notamment entre les zones à l’ombre et les autres, et les obstacles ne projettent pas d’ombre très marquée.
Diffusé, l’éclairement produit moins de contraste et c’est moins fatiguant à l’œil, la sensation d’éblouissement est moindre, voire nulle.
Le brise-soleil n’aura aucun effet à ce sujet, puisque ce n’est pas son rôle. Pour transformer la lumière, il faudra soit agir sur les vitrages : opter pour du translucide ou du dépoli (et pour les pan-techno qui ont beaucoup trop d’argent à dépenser : des vitrages dynamiques dont la transparence s’ajuste… ). Soit ajouter des dispositifs interne mobiles simples tels que stores, rideaux ou voilages, stores vénitiens.
Ils devront être de couleur claire, et non opaque, car leur rôle n’est pas de produire de l’ombre en bloquant la lumière, mais juste de l’intercepter pour la renvoyer dans toutes les directions.
Il est ainsi possible de trouver sur une même baie deux stores : l’un extérieur, foncé et opaque, destiné à faire l’ombrage d’été, et un autre intérieur, clair et translucide, bien moins épais, destiné à la lutte contre l’éblouissement. Dans ce cas de figure il est important que les usagers soient bien conscients de la différence entre les deux, et qu’ils utilisent le bon ! Je pense tout spécialement aux écoles, où les utilisateurs seront mécontents et insatisfaits s’ils n’utilisent pas les bons dispositifs aux bons moments : le store intérieur ne protégera pas de la chaleur, le store extérieur forcera à utiliser l’éclairage en plongeant la pièce dans le noir.
Quelques idées « étranges » pour finir
J’avais envie de clore ce dossier en revenant à cette illustration du début. Nous avons ici des volets battant persienne + des « volets » roulants (leur fragilité fait que ce sont plutôt des rideaux extérieurs en fait) + des balcons + un store à projection ! Il fallait au moins tout ça.
Les persiennes sont curieusement coupées en partie basse, car les balcons, sans doute rajoutés bien après la construction initiale, sont trop petits pour les utiliser. Pas de chance, comme on le voit sur la photo, la partie résultante du soleil qu’il faudrait stopper se trouve toujours… en partie basse du vitrage. Les balcons, toitures, ou juste le renfoncement du linteau, créent naturellement un peu d’ombre en haut de la fenêtre. Ce qui fait que le volet roulant en plastoc qui a tant la côte aujourd’hui (j’avoue que je ne sais pas pourquoi tant ses qualités me semblent illusoires) ne peut pas protéger du soleil sans être fermé complètement. Comme il vient du haut, et que la zone qu’on peut mettre à l’ombre se trouve tout en bas de la baie, il faut le faire descendre jusqu’en bas, ce qui plonge toute la piège dans l’obscurité. Il aurait fallu, pour avoir l’ombre mais sans couper ni la vue ni la lumière, que ce volet soit situé en bas et qu’il monte, on aurait ainsi pu mettre à l’ombre la seule partie basse de la baie qui reçoit le soleil.
Un volet roulant qui monte ? que n’ai-je pas dit là !…
Bonjour,
Très bon article …instructif:
Pouvez vous me dire si un BSO est encore pertinent avec une orientation à 207° des ouvertures à protéger. (27° ouest par rapport au Sud)
Merci
Très Bon article, vraiment complet.
Concernant le matériau pour la construction du brise soleil.
Faut-il obligatoirement en bois?
ou peut-on imaginer le réaliser en Aluminium ou métal galvanisé pour avoir un matériau plus fin et une déformation moins importante dans le temps?
Merci
C’est l’article que je cherche
En effet, je vais construire une maison avec une serre bioclimatique en façade exposé au sud
J’ai l’intention d’installer des vitres penchées à 30°
La serre sera surventilée pour l’été
Dois-je installer un brise-soleil ?
Compte tenu du vitrage penché, quels seraient les particularités du brise-soleil ?
Bonjour,
Merci 🙂
Pour l’étude de votre cas de figure, nous pouvons vous faire un devis si vous le souhaitez.
Cordialement,
Merci beaucoup pour cet article bien pensé et complet. Une question qui n’a pas été abordé concernant les BSO est leur longueur. Je vois sur les plans animés que vous faites dépasser les brises soleils sur les côtés mais de combien minimum ?
Merci.
Très instructif.
Clair, argumenté, utile
Miqueu
Bonjour,
Sur des baies orientées sud-ouest (45°), des volets coulissants avec lames verticales en claire-voie (idem au bardage de la façade) peuvent-il fonctionner contre une surchauffe éventuelle (maison située dans la Manche en Normandie. Deux fenêtres sud-est sans occultation peuvent-elles être source de surchauffe ?
Merci
Bonjour,
Pour dire si un risque de surchauffe est présent, d’autres facteurs sont à prendre en compte, nous ne pouvons pas nous prononcer. En tout cas l’orientation sud est amène des apports solaires en été.
Pour vos volets coulissants, difficile à dire : disons que pour cette orientation l’inclinaison optimale des lames est inclinée à l’horizontale. Des lames verticales à claire voie tamisent le soleil s’en l’empecher completement.
Cordialement,
Bonjour,
Merci pour votre article très intéressant.
J’ai une question connexe : quelles sont les différences entre un brise-soleil et une pergola ?
Merci
Bonjour
Une mine d’or cet article. Merci
Clair, précis. Pas de compromis mercantile . Rare.
Je n’y connais rien mais il me semblait bien que le sujet était plus technique qu’on croit. Votre article en est la preuve. Beau travail !! Bravo !! Brise-soleil en prêt-à-porter….méfiance 🙂
Bonjour,
Je viens d’acheter une maison à Belleville-en-beaujolais (69220) qui n’a pas de volet. Exposée Nord / Sud.
Nous sommes début octobre et le soleil réchauffe agréablement l’intérieur. L’été, il sera important de trouver une solution permettant aux rayons de ne pas pénétrer dans l’habitation. Cette proposition de brises-vue en bois orientées de façon optimale me semble être la solution idéale.
Comment trouver un professionnel compétent en la matière ? Vers qui me diriger pour obtenir un devis ?
Vous remerciant par avance pour les renseignements que vous pourrez me fournir