Article réalisé en juin 2011
Nous avions commencé à aborder le vaste sujet de l’analyse environnementale des maisons passives dans un précédent billet, pour tenter de répondre à une critique de plus en plus présente quand on aborde le sujet de la construction passive : nous avions pu remarquer que les économies de fonctionnement compensaient généralement les surplus de matériaux mis en œuvre entre une démarche basse consommation (BBC) et passive. Nous avions pu également observer que le choix du système constructif n’est absolument pas neutre, et que selon le mode constructif retenu, l’énergie grise de l’enveloppe pouvait être 2 à 3 fois supérieure entre une démarche écologique et une démarche conventionnelle.
La conclusion était donc qu’il apparaissait nécessaire pour promouvoir des choix cohérents de se fixer des objectifs quantitatifs ambitieux à la fois sur la performance de l’enveloppe et ses consommations primaires (standard passif) et sur l’impact environnemental du système constructif.
A la suite de notre billet, nous avons été invité le mois dernier à faire une synthèse publique de cette réflexion. Qui a donné lieu à une interpellation indignée d’un représentant de la filière béton locale mettant en cause la qualité de notre analyse, indiquant que au contraire, les études consensuelles démontraient que le bilan environnemental des systèmes constructifs n’impactent qu’à la marge le bilan global (il parlait d’une l’étude commandée par CIMBETON, voir plus bas).
Ce débat sur la divergence des conclusions d’analyse est en soit intéressant et mérite que l’on y revienne, car au moment des 1ere assises de l’énergie grise (organisées à Grenoble au mois d’avril 2011), nous avions pu constater que les mêmes clivages étaient à l’œuvre, entre ceux qui prétendent que les analyses démontrent le bien fondé d’engager une réflexion sur l’énergie grise sur la construction, et ceux qui veulent montrer que la marge de manœuvre sur le sujet est insignifiante.
L’occasion est donc donnée de faire un petit billet sur ce sujet 🙂
Note ajoutée en 2015 : si le sujet a évolué depuis lors, l’essentiel du billet est toujours d’actualité à ce jour
A lire également : https://www.fiabitat.com/les-maisons-passives-sont-elles-ecologiques/
La thématique Énergie grise
D’abord qu’est ce que l’énergie « grise » ?
Le schéma ci dessous résume très bien le sujet, il s’agit de la quantité d’énergie fossile correspondant aux matériaux et matériels utilisés pour fabriquer la construction. L’énergie d’usage, celle que l’on connait le mieux, c’est par exemple l’électricité consommée pour nos usages électriques, ou le fioul pour se chauffer. On peut facilement mesurer notre dépendance aux énergies fossiles en additionnant nos consommations. Mais tous les matériaux de construction nécessitent de l’énergie pour être fabriqués, acheminés jusqu’au chantier, et plus les réglementations préconisent des constructions bien isolées et plus la quantité de matériaux mis en oeuvre augmente (la part indiquée en gris sur le schéma).
Schéma issu de : L’énergie grise en question / Expo au fil du bois (Caue 38 – Creabois)
Pourquoi nous en préoccuper maintenant ?
L’énergie grise est une préoccupation récente, qui était jusque la relativement confidentielle. Il est vrai que dans la mesure ou les bâtiments ont une forte consommation d’énergie, la part liée au bilan de l’enveloppe du bâtiment ne compte que peu dans le bilan global.
Si depuis des décennies, des réflexions existent malgré tout pour minimiser le bilan environnemental des bâtiments en construction comme en rénovation, les solutions étiquetées comme écologiques n’étaient pas vraiment « définies » : il s’agit avant tout de favoriser les matériaux locaux, peu transformés, et limiter les émissions de polluants à la mise en oeuvre, pendant la vie, et permettre la déconstruction en fin de vie en limitant la pollution. Cette démarche résulte d’une conviction en premier lieu, mais sans les calculs qui auraient permis d’avoir une idée précise des différences entre une démarche environnementale et conventionnelle.
Cette nécessité d’évaluer l’impact environnemental augmente d’abord parce que les besoins d’énergie des bâtiments ont fortement diminué, la réglementation RT 2012 consacrant (en théorie ?) le bâtiment basse consommation, la construction passive intéressant quant à elle un public de plus en plus large.
Schéma issu de : Objectif passif / Expo au fil du bois (Caue 38 – Creabois – Ageden – Cipra – Passion du bois)
Les consommations d’énergie baissent donc, et les quantités de matériaux mis en œuvre augmentent pour permettre cette baisse de consommation. Le palier entre le BBC/RT2012 et la construction passive est d’ailleurs plus significatif que celui entre la RT2005 et le BBC/RT2012. Par exemple, pour atteindre le passif, il faut souvent dépasser les 25 cm d’isolant en mur alors que souvent le BBC s’obtient à 12-14 cm (contre 8-10 cm en RT2005).
Cela signifie que les grandes orientations énergétiques pour le bâtiment pour être pertinentes devront associer :
- Un bon niveau d’isolation
- Une faible consommation d’énergie primaire pour l’ensemble des usages
- Un faible dégagement de gaz à effet de serre lié aux consommations.
- Un faible impact énergétique pour l’enveloppe de la construction
- Un faible impact environnemental pour l’enveloppe de la construction
En RT 2012, on ne pourra que regretter que les objectifs ne soient concentrés que sur le niveau d’isolation (Bbio) et sur la consommation d’énergie primaire (Cep), renvoyant à 2020 le seuil sur la contribution GES et l’énergie grise de l’enveloppe.
L’énergie grise en France : les FDES (fiche de données environnementales et sanitaires)
Une fois d’accord sur les grands principes se pose la question des moyens mis en œuvre pour atteindre réellement les objectifs que nous fixent ces grandes orientations énergétiques.
La France accuse en effet un retard assez important dans le domaine, puisque le CSTB estime qu’en 2011 environ 30% des matériaux de construction disposent d’une documentation évaluant leur impact environnemental, réalisé avec une analyse de cycle de vie (ACV).
Cette absence de données exhaustives est l’un des principaux arguments utilisés pour retoquer les nombreux amendements proposés par les législateurs au moment de la loi grenelle II pour ajouter un garde fou sur l’impact environnemental.
Par exemple, ce débat au sénat :
La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l’amendement n° 210.
M. Jacques Muller. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de revenir sur la notion d’énergie grise. C’est un volet particulièrement important dans le secteur du bâtiment, en ce qui concerne la fabrication et, surtout, le transport des matériaux utilisés.
Les matériaux synthétiques nécessitent une très forte consommation d’énergie pour être obtenus. Je prendrai deux exemples : un bâtiment à ossature en bois fabriqué avec des essences locales consomme des énergies grises extrêmement faibles ; en revanche, l’utilisation de béton venu de loin fait exploser le bilan énergétique du bâtiment.
J’ai bien entendu que le Gouvernement prépare un rapport qui sera prêt non pas en 2011, mais peut-être en 2012. Je souligne cependant que nous rédigeons un texte fondateur, destiné à tracer un cap pour les moyen et long termes, et pas seulement pour les deux prochaines années !
C’est la raison pour laquelle cette notion d’énergie grise doit à mon avis pouvoir être intégrée aujourd’hui dans la loi, afin que, demain, nous puissions travailler dans cette direction et améliorer vraiment la qualité environnementale de nos bâtiments.M. le président. L’amendement n° 268 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 210 ?M. Dominique Braye, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur cette notion d’énergie grise, dont chacun reconnaît l’intérêt. La nécessité de dresser ce bilan environnemental global a été longuement discutée au cours du Grenelle.
Je tiens à rappeler à tous les élus présents dans cet hémicycle que nous nous orientons dans une direction tout à fait nouvelle, puisque nous changeons complètement les calculs de gaz à effet de serre. Il faut donc effectuer un travail sérieux.
Mon cher collègue, le Gouvernement a promis pour 2012 non pas un rapport, mais simplement des fiches thématiques concernant chacun des matériaux. Vous le comprenez bien, un travail trop rapide nuirait à la qualité de ce dernier. L’environnement demande mieux que cela ! Nous devons donc éviter toute précipitation et nous pencher de façon approfondie sur le sujet.
J’émets par conséquent un avis défavorable, non pas pour une raison tenant au fond mais parce que nous ne sommes pas encore prêts et qu’il nous faut réaliser un travail de qualité. Je demande néanmoins à M. le secrétaire d’État d’avancer le plus vite possible dans sa réflexion sur cette notion d’énergie grise.M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet le même avis défavorable que la commission. J’ajoute que cet amendement a le même objet que les deux amendements précédents.
M. le président. Monsieur Muller, l’amendement n° 210 est-il maintenu ?
M. Jacques Muller. J’entends bien la réponse de M. le rapporteur, mais quelque chose m’échappe.
Je constate que, aujourd’hui, les calculs d’énergie grise sont couramment utilisés dans les analyses de cycle de vie, dont le mode de calcul est très précisément décrit par la norme NF P 01-010 et la norme ISO 14044. Des fiches existent, en particulier sur le site de l’INIES, base de données françaises de référence sur les caractéristiques environnementales et sanitaires des matériaux et produits de construction. Les logiciels pour effectuer ce calcul sont opérationnels et développés. Et les entreprises effectuent ces calculs aujourd’hui.
L’argument selon lequel nous ne sommes pas prêts ne tient donc pas à mes yeux.
Je maintiens par conséquent mon amendement qui, de plus, est conforme au très fort engagement n° 9 du COMOP des 24 et 26 octobre 2007.M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition qui vous est faite au travers de l’amendement no 210, loin d’être anecdotique, a au contraire tout son sens au regard de la spécificité de chaque territoire.
Si le texte proposé par l’article 1er pour le deuxième alinéa de l’article L. 111-9 du code de la construction et de l’habitation fait opportunément référence aux notions, ô combien nécessaires, de caractéristiques énergétiques et environnementales et de devenir des matériaux, il omet complètement la prise en compte des impacts dus à l’élaboration et à l’acheminement des matériaux.
Récemment, lors d’une formation à la direction départementale de l’équipement d’Arras destinée à favoriser les bonnes pratiques en matière de matériaux isolants, il a notamment été rappelé la pertinence d’une utilisation du chanvre dans le Nord – il est cultivé à proximité – et des plumes dans le Sud-Ouest, où sont élevés canards et oies. De même, l’utilisation de la brique en Flandres, où elle n’aura pas à être transportée sur des milliers de kilomètres, ou au cœur du Massif central n’a assurément pas le même impact.
Monsieur le rapporteur, il n’y a absolument aucune incompatibilité entre les fiches thématiques que vous évoquez et les pistes que nous proposons. Dans l’attente des premières, il serait véritablement judicieux de mentionner les secondes dans le texte, au risque d’avoir à déplorer l’édition de normes centralisées, certes nécessaires, mais non suffisantes.M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 210.
(L’amendement n’est pas adopté.)
http://www.senat.fr/seances/s200909/s20090916/s20090916002.html
Voir également ici : Les données n’existent pas et ce n’est pas possible de quantifier l’énergie grise , ou ici : cela alourdirait le texte de loi
La palme de l' »analyse de haut niveau » revenant sans contestation à ce député pour ce commentaire :
Jean Dionis du Séjour : Nous revenons à un vieux débat, que nous devons au dogmatisme des écologistes sur l’énergie nucléaire : comme elle présente un très bon bilan en matière d’émissions de gaz à effet de serre, ils ont inventé ce concept d’énergie grise…
Avant tout un problème de méthode…
démarche générique / exhaustive :
Cette problématique de l’absence de données exhaustives est lié pour une grande partie à la méthode utilisée pour la documentation des produits. Plutôt qu’une orientation sur des données génériques faisant consensus, les FDES sont établies pour chacun des matériaux mis sur le marché (ou familles de produits). Elles sont donc à la charge de celui qui veut mettre sur le marché un produit de construction.
La France n’est pas le premier pays à s’intéresser au sujet du bilan environnemental des matériaux. On peut citer la Suisse qui avec l’association Eco-bau a créé une base de données KBOB qui indique la performance environnementale des familles de produits. On comprend très vite l’intérêt de la démarche : en indiquant des valeurs moyennes par familles de produits, on ne cherche pas à différencier les producteurs entre eux mais à prendre une valeur consentuelle. D’un coup d’œil on a une lecture simplifiée de l’impact environnemental comparé des isolants par exemple. Un acteur réalisant l’ensemble des analyses la méthode est harmonisée.
En France, la méthode choisie est tout autre, l’industriel réalisant lui même (ou via un BET spécialisé) la fiche, avec des limites de périmètre assez floues, laissant la place a des interprétations. Celle ci présente également un coût non négligeable pour l’industriel qui souhaite documenter son produit. Cette problématique se pose notamment pour les petits producteurs, de matériaux isolants ou de menuiseries par exemple, qui n’ont pas forcément les moyens d’investir plusieurs dizaines de milliers d’euros dans une documentation environnementale de leurs productions.
Cette problématique se trouve évidement renforcée par le caractère optionnel des FDES. A l’heure actuelle, cette documentation n’étant pas imposée, elle résulte plutôt d’un choix volontaire des fabricants pour mettre en avant des atouts environnementaux. Lorsque le CSTB dit (lors des assises de l’énergie grise en 2011) que 30% des matériaux de construction disposent d’une documentation environnementale (inscrite dans les bases de données INIES), on mesure bien le chemin à parcourir, qui n’est que la conséquence d’un choix initial de demander aux fabricants de produire une analyse par produit.
On pourrait arguer de la meilleure précision des données, soit. Mais est ce utile par exemple de disposer de 50 fiches d’un même matériau (avec à chaque fois un résultat différent, comme c’est le cas sur les laines de verre par exemple), lorsqu’en phase conception l’architecte réfléchit sur le système constructif ? La profusion de données n’aide pas à choisir, au contraire !
Autre illustration sur les briques isolantes, ou l’extraction des résultats de matériaux semblables donne des impacts assez différents :
La fiche du produit en rouge semble bien meilleure ? En fait ce sont les mêmes matériaux, en rouge la fiche a été réalisée par le fabricant, et en bleu par le syndicat regroupant les fabricants de briques. Les différences ne peuvent s’expliquer par une amélioration du process de fabrication, mais plus par des différences de méthodes dans la réalisation de l’étude.
Les FDES sont elles fiables ?
Le deuxième problème dans la méthode est celle liée à l’expertise des données. Pour le moment, les FDES sont des données déclaratives, qui si elles sont examinées au moment de leur dépôt ne sont pas expertisées par une tierce partie (cette obligation vient d’être introduite en 2010). Et le fabricant a évidement un intérêt objectif à ce que les données environnementales qu’il donne ne plombent pas le produit qu’il veut commercialiser, en « optimisant » les hypothèses de vie du produit.
C’est toute la différence avec un avis technique fourni par le CSTB pour caractériser le pouvoir isolant d’un matériau.
Se pose donc le problème de la pertinence des documentations FDES actuelles, et la nécessité de définir des cadres consensuels et transparents pour faire apparaître les hypothèses prises par l’auteur de la fiche, sur la fin de vie notamment.
- Lire également l’étude du réseau Ecobatir sur le sujet : revue_critique_FDES_ACV_Reseau_ecobatir
L’étude montre notamment la démarche d’un fabricant qui va (volontairement ?) produire une FDES peu avantageuse sur sa laine de chanvre pour mettre en avant sa laine minérale. C’est une démarche grossière ? Et bien encore aujourd’hui cette documentation est utilisée en référence par l’Ademe pour communiquer sur le fait que les matériaux biosourcés ne sont pas dans tous les cas mieux placés que les matériaux synthétiques.
Des définitions correctes ?
Le troisième problème est liée à la définition de l’énergie primaire, qui est l’énergie primaire totale contenue dans le produit et celle du procédé. Cette définition amène de nombreux biais, notamment pour tous les produits issus des filières bio sourcées et le bois de construction.
En effet, ce qui constitue l’énergie primaire contenue dans le produit est issu de l’énergie solaire qui aura permis à la plante de pousser. La quantifier comme un impact environnemental augmente donc la valeur d’énergie primaire du matériau, alors que cette énergie contenue n’a aucun impact environnemental.
Ce biais permet donc à des FDES d’isolants minéraux d’afficher un meilleur bilan environnemental que les isolants végétaux.
Cette problématique existe également pour les produits issus de la pétrochimie. Caractériser l’énergie matière d’un produit ne pousse pas au développement des filières de recyclage ou ré-emploi de la matière.
faut-il caractériser l’énergie primaire totale, ou uniquement l’énergie procédé non renouvelable ? La encore, ce qui donnera une idée précise de cet impact est plutôt la prise en compte de l’énergie fossile et fissile, qui renvoie sur des enjeux différents par rapport aux énergies renouvelables.
Le cadre actuel est donc destiné à évoluer rapidement. Les évolutions les plus importantes sont l’exclusion de l’énergie primaire « matière », et le comptage en énergie primaire non renouvelable.
Quid de la fin de vie ?
Le quatrième problème est lié aux hypothèses de fin de vie, dont l’évaluation est une conjecture puisque lorsque le produit est mis en œuvre, il est peu évident d’évaluer sa durée de vie efficace et ce qu’il deviendra une fois que le bâtiment est déconstruit.
Difficile d’estimer ce que les filières de recyclage seront dans 30 ou 50 ans. Mais la encore, on peut observer un biais quand par exemple, une étude environnementale qui vise à évaluer le bois construction par rapport à d’autres techniques prend pour hypothèse que le bois est brulé à la fin du cycle.
Biais car cette hypothèse est un facteur qui dégrade fortement la qualité environnementale du bois.
Faire converger calcul RT2012 et calcul énergie grise, les freins
Pour caractériser l’impact de l’enveloppe d’un bâtiment, on peut utiliser des logiciels qui permettent de donner une évaluation sur de multiples critères, qui dans le cadre d’une comparaison avec les consommations du bâtiment sont ramenées à 2 :
- l’énergie primaire non renouvelable de l’enveloppe en kWhepnr/m² hab ou shon
- la contribution au changement climatique, en kg CO2/m² hab ou shon
Se pose le problème suivant :
Il est indispensable de faire converger la définition de l’énergie primaire RT avec celle de l’ACV dès l’instant ou l’on veut comparer l’énergie grise et l’énergie consommée. Il est donc indispensable de modifier la définition de l’énergie primaire utilisée dans le calcul RT 2005 / RT 2012, pour la rendre « compatible » avec l’évaluation environnementale.
Entre autre :
- Plus de déduction du photovoltaïque, énergie primaire « brute » sans les nombreuses déductions que permet la réglementation
- Facteurs de conversion calés sur l’énergie primaire non renouvelable
- On pourrait ajouter à cela : refonte des logiciels de calculs RT pour qu’ils affichent des consommations réalistes
Plutot que réaliser une ACV complète qui peut présenter une lourdeur et un cout important, on pourra raisonner sur un périmètre de calcul plus simple : l‘enveloppe du bâtiment, englobant le système constructif, qui a pour principal intérêt de permettre la comparaison de différentes solutions et fixer un objectif de résultat, par exemple via un indicateur d’impact ramené au m² utile du bâtiment.
Et exclure :
- Les fondations, VRD, parkings, trop variables d’un projet à l’autre
- Le second œuvre (en général, y compris tout ce qui touche au cloisonnement)
- Les équipements techniques
Comptabiliser l’énergie grise de l’enveloppe uniquement présente l’avantage de la rapidité du calcul (puisque les données sont établies par composition de paroi, et que l’étude thermique du projet recense déjà les surfaces de parois), et permet d’éclairer les choix qui auront le plus d’impact sur le projet.
Par ailleurs, c’est l’enveloppe du bâtiment qui détermine les consommations d’énergie futures du bâtiment. Les meilleurs résultats s’obtiennent donc sur les bâtiments qui ont une bonne compacité. Si les niveaux d’isolation et les choix de composants sont évalués en même temps que l’empreinte écologique, on pourrait se déterminer plus objectivement quant à la pertinence d’augmenter le niveau d’isolation, d’utiliser tel produit plutôt qu’un autre.
C’est surtout dans le cadre de la rénovation des bâtiments que l’outil montre toute sa pertinence : faut il rénover, démolir et reconstruire ? Choix qui peuvent donner une même consommation mais qui n’ont absolument pas la même énergie grise.
Cela n’empêche évidement pas de fixer des objectifs de moyens sur les éléments non pris en compte dans le périmètre proposé plus haut.
Les résultats peuvent alors être exprimés soit en valeur totale ramenée au m², et ce sont ces valeurs qui peuvent être comparées. Par exemple sur notre étude précédente :
- maison passive conventionnelle : 1580 kWhepnr/m² hab / 303 kg Co2/m² hab
- maison basse consommation conventionnelle : 1232 kWhepnr/m² hab / 240 kg Co2/m² hab
- maison basse consommation paille sur dalle béton : 556 kWhepnr/m² hab / 1 kg Co2/m² hab
- maison passive paille sur plancher bois : 423 kWhepnr/m² hab / -153 kg Co2/m² hab
Concluons
Dans les débats actuels qui opposent les tenants de la construction écologique et ceux qui s’opposent à la mise en place d’un garde fou sur l’énergie grise (en premier lieu, les industriels proposant les produits mis en cause), le premier argument qui revient fréquemment est que les différences entre systèmes constructifs ne sont pas significatives. C’est en partie la conclusion du CSTB aux assises de l’énergie grise et d’une étude commandée par CIMBETON.
Parmi les éléments lissant les différences entre systèmes constructifs, on retrouve notamment certains problèmes décrits plus hauts (hypothèses sur la fin de vie du bois défavorable, utilisation de l’énergie primaire totale procédé + matière, voir la réponse du FCBA à l’étude Cimbeton), mais surtout, les comparaisons ne se font pas sur la même base (je n’ai pas vu trace d’un procédé constructif utilisant la paille ou des isolants bio sourcés par exemple).
On retrouve également des présentations comparant des systèmes constructifs mais en prenant pour base des bâtiments différents. La présentation du CSTB par exemple obtient une énergie primaire d’environ 1500 kWhepnr /m² hab pour la solution ossature bois et 250 kg Co2/m². Et utilise cet argument pour dire que les différences entre systèmes constructifs ne sont pas sensibles. S’il est possible que le bois obtienne ce type de résultats, rien n’interdit toutefois de faire beaucoup mieux.
La question centrale n’est donc pas de comparer une étude par rapport à une autre, surtout si elles utilisent des méthodes différentes, et de n’avancer que si des différences significatives sont observées, mais de voir comment faire pour que l’enveloppe des bâtiments soit réellement moins impactante et que son énergie grise soit divisée d’un facteur 4. Mettre en place une classe énergétique pour l’enveloppe des bâtiments, comme le propose par exemple Cocon (logiciel de comparaison des solutions constructives) serait un premier pas nécessaire pour démystifier cette approche sur l’énergie grise.
Le deuxième pas étant de fixer des garde fous par la réglementation pour que par exemple les bâtiments se situent au minimum à C.
En cela nous pouvons observer l’avance prise par certains pays comme la Suisse, qui ayant depuis longtemps résolu tous les problèmes de méthode que nous connaissons en France, lance le label Minergie A.
http://www.minergie.ch/minergie-aa-eco-550.html
A quand en France un label pour les bâtiments basse consommation et passifs à faible empreinte écologique ? 2020 ? 2030 ?
Bonjour, encore une brillante analyse 🙂 et j’en redemande…je serais curieux de lire quelque chose sur le nouveau minergie-A ?!
Il serait à mon sens urgent pour le PHi de mettre en place un petit frère Positif au passivhaus standard et pourquoi pas un ECO comme Minergie.
bien entendu, comme je suis un traître, je n’attends surtout rien de la France, car ce serait un bidule 🙂
Bonjour,
Minergie A est tout récent mais témoigne d’une vraie volonté d’implémenter à la démarche originelle de Minergie les différentes composantes P (passif) Eco (santé) et A (énergie grise).
Il faudra voir ce que cela donne, mais le fait que Ecoinvent soit suisse n’est pas un hasard (même si ils tiennent aussi discours que l’énergie grise ne varie pas selon les modes constructifs).
Pour le passif, ce serait assez simple à réaliser et je crois que dans la version 2004 du logiciel phpp, les colonnes pour l’énergie grise existaient. A priori, les belges sont en train d’updater le phpp pour faire cette intégration.
A bientot,
Bonjour,
Merci pour ce billet, encore une fois très instructif.
Je pense que vous voulez parler de ceci : beacv.be
« Cet outil est développé avec un objectif à long terme : permettre, grâce à ce module, de proposer une certification « passif + » qui intégrera l’aspect environnemental (énergie grise et émissions de gaz à effet de serre) en complément des données énergétiques prises en compte jusqu’ici. »
Non, je ne pensais pas à ce logiciel qui est sorti au mois de septembre je crois (donc avant ce billet), mais vous avez raison de le mettre en lien, la démarche est ici très intéressante, puisqu’elle permet d’uploader son fichier PHPP pour éviter les saisies fastidieuses et de pouvoir se baser sur de larges bases de données environnementales.
je ne l’ai pas encore testé, mais la présentation qui en a été faite au symposium passivhouse de Bruxelles nous en a montré les principaux contours.
Ajout de la réponse du FCBA sur l’étude du CIMBETON
des points très intéressants mais il serait pertinent d’actualiser ce post avec la démarche HQE performance qui va tout à fait dans votre sens plutôt que de mettre en avant des documents vieux de 2 ans ce qui est déjà ancien dans cette science assez jeune qu’est la performance environnementale des bâtiments. tout ce que vous reprochez à la France est en train d’être pris en compte et ce n’est pas le fruit d’un revirement soudain mais celui d’un processus lancé par les producteurs de matériaux il y a des années…
Et soyons réaliste, la France avec ses FDES, sa base Inies et sa connaissance du sujet est LARGEMENT en avance par rapport au reste du monde.
Bonne continuation et bravo pour vos analyses et calculs on sent qu’il y a du travail derrière.