Nous produisons ici sous forme de séries d’articles le cahier de doléances du RESEAU Ecobâtir sur la RT2012. L’ensemble du document est téléchargeable ici.
Note introductive : Pourquoi comparer les objectifs de la RT2012 à la Suisse ?
il sera fréquemment fait référence dans ce document au standard MINERGIE. Cette démarche de bâtiments basse consommation pionnière puisque les premiers référentiels datent de 1998 a été traduite réglementairement pour l’ensemble des constructions en Suisse à partir de 2009 (SIA 380/1 2009). Le lecteur francophone trouvera sur cette page un résumé détaillé des exigences de la démarche. Les référentiels ont servi d’étalon aux comparatifs avec la RT 2012 puisque les deux se référent au standard de construction basse consommation et ont une portée réglementaire pour tous les bâtiments.
Le texte ci dessous fait référence aux exigences à respecter pour les bâtiments. En effet s’il est bien connu que la RT 2012 introduit l’obligation pour les bâtiments de justifier d’une consommation calculée inférieure à 50 kWhep/m²SHONRT.an, il est moins connu que cette valeur de base est pondérée de la manière suivante : Cepmax= 50 * Mctype* (Mcgéo+ Mcalt + Mcsurf + McGES). Si le principe de la pondération est assez légitime et explicable, le lecteur pourra se reporter à la formule plus haut pour imaginer l’incidence que certains choix de coefficients (par exemple si la valeur Mctype est définie à 2, 5 ou 10), cachés dans les annexes de la loi, impliquent en terme de contraintes à respecter pour les projets. La question posée étant : est-il légitime de laisser construire des bâtiments fortement consommateurs d’énergie, alors que, la comparaison avec Minergie le montre, il n’y a aucune fatalité à faire autrement.
RT2012 : Une consommation d’énergie primaire à 50 kWh/m².a ?
Chacun sait désormais qu’un bâtiment basse consommation consomme moins de 50 kWhep/m² SHONRT.an. Ce coefficient, introduit dans le texte du Grenelle, est la valeur sur laquelle l’ensemble de la RT2012 s’articule.
Pourtant, certaines modulations laissent un peu songeur. Ainsi certains bâtiments peuvent atteindre un Cep de 150 kWhep/m² SHONRT.an 1Par exemple, les bâtiments d’enseignement en zone h1b, altitude de plus de 400m, sans pondération de surface utilisant un chauffage biomasse culminent à 159 kWhep/m² SHON.an alors qu’ils n’ont pas de besoin d’eau chaude. et malgré tout répondre à la réglementation ! On comprendra donc que le principe de modulation est extrêmement extensible, et sur ce point, très différent du principe de la démarche passive qui introduit des valeurs cibles universelles (et donc faciles à appréhender).a) Toutes les constructions neuves faisant l’objet d’une demande de permis de construire déposée à compter de la fin 2012 et, par anticipation à compter de la fin 2010, s’il s’agit de bâtiments publics et de bâtiments affectés au secteur tertiaire, présentent une consommation d’énergie primaire inférieure à un seuil de 50 kilowattheures par mètre carré et par an en moyenne ;
Extrait loi Grenelle
Le plus surprenant est peut-être que les modulations n’ont pas été justifiées ni expliquées avant la parution de l’arrêté. Le coefficient Mctype 2Mctype : coefficient multiplicateur des 50 kWhep/m² SHON.an défini dans l’arrêté de la RT2012, dépendant de la destination du bâtiment : par exemple 1 pour le résidentiel, 1,4 pour les bureaux, 1,8 pour l’enseignement. qui amène le plus de variations, était dans les publications officielles limité à 1,2 pour le tertiaire. L’apparition dans l’arrêté des valeurs 1,8 (bâtiments d’enseignement) et 1,4 (bureaux) est une manière cachée de dégrader les exigences initiales en appliquant des pondérations qui peuvent doubler la valeur de base. Qui peut dire, par exemple, à partir de la simulation ci-dessous, que la RT2012 valorise des bâtiments dont la consommation en énergie primaire est inférieure à 50 kWhep/m² SHONRT.an ?
Le diagramme ci-dessous comparant un bâtiment scolaire, illustre le poids des pondérations.
En Suisse, la valeur de 38 kWhep/m² SRE.an est exprimée en énergie primaire (coefficients un peu plus favorables qu’en France), sans prise en compte de l’éclairage, mais avec eau chaude sanitaire (si le bâtiment ne consomme pas d’eau chaude, le Cep est abaissé à 33 kWhep/m² SRE.an). On peut au final considérer que le Cep base de 38 est proche de la valeur 50 kWhep/m² SHONRT.an utilisée en France. Sauf qu’après pondération, la cible n’est plus du tout similaire, la faute principalement au coefficient Mctype, qui ne s’additionne pas mais se multiplie aux autres.
Illustration 2: Influence des coefficients de modulation comparée entre France et Suisse
Le concept français du bâtiment « basse consommation » à 600 kWh/m².an
Le 28 décembre 2012, les bâtiments non renseignés dans l’arrêté de loi du 26 octobre 2010 ont finalement été définis : voir ici. On s’interrogera sur le timing : définition le 28 décembre pour application pour les permis de construire au 1er janvier. Cet arrêté n’a pas fait l’objet de critiques particulières, pourtant, son contenu est révélateur de la démarche moins disante de l’arrêté par rapport au texte de loi Grenelle initial. Ainsi, là encore, on retrouve des coefficients fantaisistes, pouvant faire grimper la valeur Cepmax à des sommets (dans certains cas, près de 600 kWhep/m² SHONRT.an!), accompagné de règles de modulation d’une complexité effrayante.
Prenons par exemple le cas des bâtiments à destination de commerces. Ici, le coefficient Mctype, en zone CE2 (s’applique en fonction de différentes conditions décrites en annexe de l’arrêté de loi concernant l’exposition au bruit BR) 3
Dans le cas des commerces, il suffit de respecter les deux conditions suivantes : un local est de catégorie CE2
– s’il est muni d’un système de refroidissement et si l’une des conditions suivantes est respectée :
– si le local est situé dans une zone de bâtiment à usage de commerce ; est de 10,4 ! Il n’est donc pas nécessaire d’être dans une zone de bruit : il suffit de vouloir installer une climatisation !
Illustration 2: Influence des coefficients de modulation comparée entre France et Suisse sur les bâtiments tertiaires, ici les commerces.
Qu’en pensent les élus qui ont voté les lois Grenelle ? Pensent-ils qu’un bâtiment qui après modulation se retrouve à 600 kWhep/m² SHONRT.an respecte l’esprit de la loi originelle, qui préconisait que les bâtiments aient une consommation primaire inférieure à 50 kWhep/m² SHONRT.an ? Et peut-on sérieusement considérer qu’il est impossible d’aller plus loin en matière de performance, alors qu’on le voit, par exemple, Minergie fixer le seuil pour les bâtiments à usage de commerce à 40 kWhep/m² SRE.an pour le chauffage, l’eau chaude, les auxiliaires de ventilation et la climatisation 4Minergie abaisse même ce seuil s’il n’y a pas de consommation d’eau chaude. ?
Si l’on fait un tour d’horizon des bâtiments tertiaires décrits dans cet arrêté, on retrouve dans l’idée générale des garde-foux deux fois moins exigeant que pour le résidentiel, souvent au-delà.
Illustration 3: Exigence comparée Minergie/France en énergie primaire des bâtiments neufs concernés par l’arrêté du 28 décembre 2012
Pour une question de lisibilité, le diagramme n’indique que les valeurs cibles pour la zone H1 (la plus proche du climat suisse). Les résultats ne sont toutefois pas significativement différents pour les autres zones climatiques, à savoir assez loin de la valeur de 50 kWhep/m²SRT.an.
Climatisons, c’est du bonus
On s’attardera également sur l’utilisation abusive d’un autre coefficient, le CE1 / CE2. Ce coefficient vise à tenir compte d’un environnement proche bruyant, qui ne permettrait pas en été d’utiliser la ventilation naturelle sans indisposer les occupants du bâtiment. Ainsi, en fonction d’une exposition au bruit des infrastructures de transport, caractérisée BR1, BR2 et BR3, le coefficient en énergie primaire est relevé pour considérer la consommation de climatisation induite par cette contrainte.
D’une idée de départ justifiable, on retrouve dans la rédaction de l’arrêté de la RT2012 certains types de bâtiments qui pourront bénéficier de cette modulation CE2, alors qu’ils ne se situent pas dans un environnement bruyant. Il suffit en effet qu’un bâtiment à usage de bureaux construit sur la moitié sud du pays choisisse d’installer une climatisation pour que la valeur Cep augmente de 60%. La RT 2012 encourage donc explicitement l’installation de climatisations dans les bureaux, commerces (et autres bâtiments qui n’ont pas à justifier d’une contrainte de bruit pour bénéficier du coup de pouce du coefficient CE1/CE2), puisque y recourir ne donne pas lieu à une pénalité mais à un droit de consommer beaucoup plus important.
De l’art de complexifier à l’absurde des règles simples
La complexité des coefficients et des règles de modulation touche l’absurde.
Si l’on regarde la règle de modulation des bâtiments Minergie, les valeurs cibles tiennent dans un document d’une page. Pour connaître la valeur à appliquer, il suffit de regarder la valeur cible pour le type de bâtiment, et ajouter la modulation altimétrique. Pour la RT2012, d’une part il faut explorer les annexes de l’arrêté pour identifier la portée des modulations pour chaque type de bâtiment, mais en plus, toutes les règles de modulation sur la zone climatique, l’altitude, voire le type de chauffage sont spécifiques à chaque type de bâtiment, et différentes si on applique la règle CE1 ou CE2. Donc, comme il y a un grand nombre de type de bâtiment (38 en tout), que pour chaque type il y a 4 règles pour la zone climatique (Mbgeo CE1, Mbgeo CE2, Mcgeo CE1, Mcgeo CE2), la même chose pour l’altimétrie, et que généralement la règle est différente d’un type de bâtiment à un autre… au final, il faut un document de 50 pages 520 pages dans l’arrêté du 26 octobre 2010, 30 pages supplémentaires dans l’arrêté du 31 décembre 2012 uniquement pour décrire les coefficients, le tout formant un ensemble opaque intraduisible sans logiciel. Le terme d’ « usine à gaz » pour refléter l’approche du CSTB sur les règles de modulation est faible. Pour comparer, c’est un peu comme si l’on avait demandé au CSTB de réaliser un calendrier pour les 365 jours de l’année ; il est probable que chaque jour de l’année aurait eu une durée différente, probablement pour « coller au plus juste » à la réalité ?
Enfin, le découpage proposé dans la définition des types de bâtiments interroge.
Par exemple, les hôtels ont des règles différentes selon le nombre d’étoiles, ainsi qu’une deuxième différentiation entre les zones jour et les zones nuit (avec à chaque fois bien sur, des coefficients climatiques et altimétrique différents selon le nombre d’étoiles et la zone jour ou nuit, comprenne qui pourra). L’une des modulations pour les hôtels 2 étoiles rend les objectifs réglementaires nettement moins ambitieux que les hôtels 0/1 étoiles, et 3 ou 4/5 étoiles. Pour quelle raison ? Mystère.
Éclairage : des règles de calcul qui n’éclairent pas vraiment
L’amélioration de la prise en compte de l’éclairage fait partie des avancées de la RT 2012. Tout du moins en théorie. Plutôt qu’appliquer une règle bête et méchante à tous les bâtiments, l’outil devait tenir compte de l’éclairement naturel apporté par les vitrages, ce qui combiné à une prise en compte du besoin d’éclairement de chaque pièce permettrait de calculer précisément les consommation d’éclairage artificiel : installer la puissance adéquate, encourager des solutions peu consommatrices.
Le sujet de l’éclairage est assez représentatif d’un problème plus global. L’outil RT 2012 est conventionnel (les hypothèses d’usage sont notamment définies par le CSTB et figées), il ne vise donc pas à prédire le fonctionnement futur du bâtiment, mais plutôt de pouvoir comparer sur base égale les bâtiments entre eux. C’est sa seule fonction.
Sur le résidentiel, la prise en compte de l’éclairage est simplifiée, la puissance prise en compte est conventionnelle, fixée à 1,4 W/m². Pour les autres types de bâtiments, des scénarios type sont proposés, qui ne peuvent pas être adaptés par le thermicien. Ainsi, la période d’usage du bâtiment n’est pas définissable, il faut choisir parmi une liste de choix ce qui s’en rapproche le plus. Et il est évidement fréquent que rien parmi la liste de choix ne corresponde, pour 2 raisons :
- Les scénarios sont restrictifs et très limités. Ainsi, pour les bureaux, vous pouvez avoir les pièces suivantes : bureau, salle de réunion, circulation/accueil, sanitaires, dont le scénario d’usage n’est pas modifiable. Les locaux techniques, archives, rangements, ne peuvent donc qu’être définis à partir des choix précédents, ce qui induit des écarts potentiellement très importants avec la réalité.
- La RT 2012 propose 38 types de bâtiments différents mais il est possible que l’usage du lieu ne corresponde à aucun type prévu de base. Cela impose donc d’utiliser des scénarios qui ne correspondent de fait pas au projet.
Cela conduit souvent à des situations cocasses, de projets qui ne respectent pas la RT 2012 malgré la bonne volonté du maître d’ouvrage, simplement parce qu’il existe un écart entre l’usage réel et la saisie permise par le logiciel, sans qu’il n’existe aucun moyen d’y faire grand chose, sinon de conformer l’usage du bâtiment à celui prévu par le logiciel ? Cela donne l’impression que le thermicien doit être prestidigitateur, dont le rôle est d’expliquer à son client comment faire rentrer des cubes dans des trous ronds.
Il est une catégorie de bâtiment particulièrement gâtée par la RT2012, il s’agit des commerces. Comme nous l’avons vu plus haut, l’exigence de base de la RT2012 est amenée autour de 600 kWhep/m²srt.a, qui pose question : est-ce légitime de laisser perdurer de telles consommations sur les bâtiments neufs, sans qu’il soit possible d’y remédier ?
En fait, il est probable qu’un maître d’ouvrage s’engageant dans une démarche pour faire un bâtiment très efficace en énergie se voit attribuer, à sa grande surprise, un bilan thermique autour de 450 kWhep/m²srt.a, même en ayant une réflexion aboutie sur l’éclairage apporté par les vitrages et des choix optimisés sur l’éclairement de complément. Tout simplement parce que la RT2012 considère pour les surfaces de vente une puissance d’éclairage mobilier de 50 W/m², valeur conventionnelle évidement non modifiable, quelque soit la réalité des besoins.
Ce type d’hypothèses conventionnelles a évidement des conséquences directes : avec autant d’apports, le besoin de chauffage est annoncé par le calcul proche de zéro sans trop d’efforts, et la climatisation devient indispensable une bonne partie de l’année pour respecter l’indicateur Tic. Bel exemple d’approche basse consommation, non ? Alors qu’évidement, dans la réalité, le comportement du projet dépendra de ce qui est réellement installé, et la surchauffe n’est pas une fatalité. Cela dit, il faudra que le maître d’ouvrage installe réellement cette climatisation si l’étude thermique, sur base des hypothèses conventionnelles conclut à sa nécessité pour résoudre l’inconfort théorique, puisque l’attestation de fin de travaux vérifie que ce qui a été réalisé est conforme aux données de l’étude.
La question de l’éclairage méritait, à notre avis, une réflexion un peu plus aboutie et surtout plus flexible, afin que ce sujet ne devienne pas la bête noire des concepteurs. Nous évoquions plus haut le fait que la justification du coefficient « Bbio » est une condition d’obtention du permis de construire. S’il est pertinent, pour favoriser des bâtiments bien orientés et suffisamment vitrés, de comptabiliser le recours à l’éclairement artificiel, ayons conscience que du fait des situations précédemment décrites (scénarios et type d’usage restrictifs, valeurs conventionnelles arbitraires), le besoin Bbio calculé peut ne pas correspondre à la valeur minimum, car ce coefficient se calcule sur base des puissances conventionnelles arbitraires prévues par la RT2012, et ainsi bloquer le projet puisque le projet n’est pas conforme aux indicateurs vérifiés au stade du permis.
C’est l’échec cuisant d’une approche réglementaire cherchant à augmenter la précision des calculs par la multiplication des paramètres de saisie, qui considère qu’il n’appartient pas au concepteur de décrire l’usage de son projet, alors qu’il est illusoire de prétendre à une quelconque précision sans chercher un minimum à coller à la réalité.
- Par exemple, les bâtiments d’enseignement en zone h1b, altitude de plus de 400m, sans pondération de surface utilisant un chauffage biomasse culminent à 159 kWhep/m² SHON.an alors qu’ils n’ont pas de besoin d’eau chaude.
- Mctype : coefficient multiplicateur des 50 kWhep/m² SHON.an défini dans l’arrêté de la RT2012, dépendant de la destination du bâtiment : par exemple 1 pour le résidentiel, 1,4 pour les bureaux, 1,8 pour l’enseignement.
- Dans le cas des commerces, il suffit de respecter les deux conditions suivantes : un local est de catégorie CE2 – s’il est muni d’un système de refroidissement et si l’une des conditions suivantes est respectée : – si le local est situé dans une zone de bâtiment à usage de commerce ;
- Minergie abaisse même ce seuil s’il n’y a pas de consommation d’eau chaude.
- 20 pages dans l’arrêté du 26 octobre 2010, 30 pages supplémentaires dans l’arrêté du 31 décembre 2012
Je suis victime de ce flou. j’ai acheté un appartement « rt2012 » et je constate que le DPE est à 97kwh/m2/an avec une attestation rt2012 conforme !! visiblement il va être difficile d’attaquer le promoteur qui se retranche derriere l’attestation