Travaux pratiques : mise en application
Ce rapide tour d’horizon fait, le schéma de notre maison bioclimatique émerge très naturellement : matériaux accumulateurs au milieu, isolants autour, et éventuellement structure porteuse en bois. Les accumulateurs internes peuvent être en n’importe quel matériau (parmi les accumulateurs), mais ils doivent avoir une couleur qui permette l’absorption du rayonnement solaire lumineux s’ils sont directement soumis à l’énergie solaire. La couleur du mur joue alors un grand rôle : s’il est blanc, il réfléchira la chaleur sans chauffer. Au contraire, une paroi noire va rapidement devenir brûlante en surface, ce qui n’est pas non plus le but recherché. La teinte idéale est celle de la terre : de brun clair à foncé en passant par les teintes ocre, oranges, rouges…
Les accumulateurs situés sur les parois externes du bâtiment doivent être en matériaux perméable à la vapeur d’eau. Les isolants doivent tous être toujours perméables à la vapeur d’eau. Pour que la diffusion de vapeur d’eau soit idéale, il faut que les couches de matériaux des parois extérieures soient de plus en plus faciles à traverser, de l’intérieur vers l’extérieur (puisque pendant les ¾ de l’année la vapeur ira de l’intérieur vers l’extérieur) ainsi la condensation en eau sera impossible, et le taux d’humidité toujours dans la zone de confort.
Les fenêtres doivent être au sud, cela contribue à protéger des surchauffes car en été une grande partie des rayons du soleil sont réfléchis parce que leur angle d’incidence est trop élevé. Malgré tout la quantité d’énergie captée est trop importante : 50% du soleil pendant les mois d’été c’est déjà largement assez pour faire surchauffer la maison. Il faut donc se protéger du soleil par des avancées de toit, des brises-soleil, ou de la végétation. Avec une juste proportion, ces protections permettront de laisser entrer largement le soleil d’hiver, et de laisser dehors celui d’été.
Ces protections sont dites « passives », car elles fonctionnent sans efforts et sans surveillance. Plus le soleil est haut, plus il fait chaud, et plus elles protègent la maison. En outre, la maison est à l’ombre mais elle n’est pas dans le noir. Ci-contre des brises-soleils à lame orientée : ces lames en bois sont fixes mais sont inclinées avec l’angle du soleil au solstice d’hiver, ainsi, l’ombre projetée sur la façade est minimale le 21 décembre, et maximale le 21 juin, sans qu’aucune intervention ni contrôle ne soit nécessaire. Il faut peu de fenêtres à l’est, plutôt verticales. Pas de fenêtres à l’ouest (ou alors plutôt verticales) ni au nord, pas de vélux au sud.
Les arbres sont des climatiseurs naturels : ils gênèrent de l’ombre, humidifient l’air par évaporation, baissent sa température et le purifient. L’arbre ne crée pas une ombre étouffante, contrairement au parasol. Il ne consomme pas d’électricité contrairement au climatiseur. Il ne fait pas de bruit contrairement au ventilateur. Il ne demande pas d’entretien, se répare tout seul et devient plus solide au fil des ans. Toutes qualités plutôt rares quant il s’agit des produits manufacturés. Mais il faut choisir une essence adaptée et ne pas le planter n’importe où : placer des feuillus au sud de la maison permettra de renforcer sa protection en été tout en ne la privant pas de lumière l’hiver puisqu’ils n’auront plus de feuilles. Les résineux doivent être mis au nord et à l’est, pour briser les vents froids. Leur feuillage permanent offrira une bonne protection pendant la saison froide. Ces dispositions permettent de faire une maison passive qui rend la nuit la chaleur du jour et qui fonctionne à l’inverse pendant l’été. Une telle maison procure un confort presque optimal toute l’année, mais il reste nécessaire de rajouter un appoint de chauffage au coeur de l’hiver car elle ne peut pas stocker la chaleur de l’été pour la restituer 6 mois plus tard.
Pour compléter l’isolation, on peut agir sur la répartition des pièces et mettre les pièces de vie vers le sud et les pièces auxiliaires de service vers le nord (cellier, buanderie, garage, grenier, atelier, etc). Ces pièces ne sont pas forcément chauffées mais elles créent un espace « tampon » qui ralentit les pertes de chaleur.
Une construction bioclimatique est axée sur « capter la chaleur », ce qui peut être fait de deux manières, l’une dite passive, l’autre dite active. Le capteur passif est appelé ainsi parce qu’il n’y a pas de détecteur qui met en marche un système : s’il y a du soleil, on le capte automatiquement. Rentrent dans cette catégorie les fenêtres, serres et vérandas, baies vitrées, murs trombe… Il n’est pas toujours évident de placer un capteur à l’endroit le plus exposé au soleil, c’est pourquoi on peut mettre un capteur au soleil, et insérer dans sa paroi opaque une conduite pour un fluide (air, eau, etc…) qui va jusqu’à un échangeur pour stocker la chaleur (ballon d’eau) ou à la diffuser directement (radiateur, ventilateur). Il s’agit alors d’un capteur actif. Rentrent dans cette ccatégorie tous les capteurs mécanisés : capteurs à eau pour chauffage ou chauffe-eau, capteur à air, systèmes hybrides air/eau, capteur à galet… L’avantage est que la surface peut être complètement noire, et le capteur positionné au mieux. Généralement, ils sont plus performants que les capteurs passifs mais plus chers et demandent un entretien régulier.
Ces deux méthodes fournissent la plus grande part du chauffage dans une telle maison, mais elle ne suffisent pas à pouvoir à tous les besoins. Il faut leur adjoindre un appoint qui ne sera pas solaire : en effet, on ne peut pas dans une maison bioclimatique fournir l’appoint de chauffage avec un chauffage solaire puisque c’est justement lorsqu’il n’y a pas de soleil que cette dernière a besoin d’un appoint. Généralement, l’appoint est un simple poêle à bûchette, dont la consommation sera très modeste (quelques stères), ce qui n’impliquera pas une corvée pour l’alimenter.
Construire bioclimatique : le chauffage devient un appoint
Voyons maintenant en détail l’application des ces principes sur une maison « normale » (c’est à dire une maison qui ressemble à une maison). Cette construction va devenir grâce à la mise en oeuvre des techniques bioclimatiques une maison basse consommation d’énergie. Ce premier exemple montre des bâtiments construits en utilisant des produits et techniques de construction relativement proches de celles qui sont habituellement utilisées, ceci dans un double but :
- S’assurer que la réalisation sera bien faite, car les ouvriers maîtriseront les produits et leur mise en oeuvre
- Garantir un coût correct pour la construction, qui ne devrait pas présenter de surcoût très important par rapport à une maison conventionnelle de même qualité.
Détail n°1 : fondations et dalle
Les fondations se font habituellement en béton armé, et nous ne dérogerons pas à cette règle dans ces exemples, pour les deux raisons su-cité : il faut que les techniques utilisées soient maîtrisée par les entreprises du marché français actuel. Nous avons vu que la béton armé n’est pas un matériau très intéressant de par ses propriétés en place, cependant, ces inconvénients ne seront pas gênant s’il n’est utilisé que pour les fondations enterrées.
La maison conventionnelle préfère ensuite souvent mettre un vide sanitaire au-dessus de ses fondations, et construire ses murs en s’appuyant sur cette première surface. Le vide sanitaire doit (ou devrait) être ventilé, ce qui amène en pratique à mettre tout le volume thermique de la maison en suspension dans l’air extérieur. C’est n’est pas la meilleur configuration d’un point de vue thermique (et tout particulièrement si en plus la maison est « isolée » par l’intérieur…). Pour éviter les faiblesses thermiques à cet endroit et pour garder contact avec la masse du sol qui servira d’accumulateur thermique, notre maison bioclimatique ne sera pas sur un vide-sanitaire mais sur un terre-plein. L’espace terrassé sous la maison sera donc rempli d’abord avec un hérisson de gros cailloux, puis recouvert par un lit de cailloux plus petits, compactés, et enfin recouvert avec une dalle flottante en béton. Il n’y aura pas d’isolation entre cette dalle et le sol en dessous, par contre, l’isolation sera périphérique, le long des murs de soubassement. Cet isolation enferme donc à l’intérieur du volume thermique de la maison une masse de sol très importante : c’est elle qui servira d’accumulateur principal, il est donc primordial de bien soigner les joins de l’isolation périphérique. Cette isolation sera effectuée avec un isolant qui supporte la présente d’humidité : en version écologique, du liège en panneaux. Autre point fondamental : la dalle qui reçoit directement le rayonnement solaire devra être recouverte avec un matériau accumulateur de couleur moyenne, typiquement, un carrelage couleur brun/terre cuite.
Détail n°2 : murs accumulateurs
Nous avons vu que c’est la dalle et le sol sous la maison qui seront les principaux réservoir de calories, mais pour compléter cette masse et rendre plus efficace la répartition de la chaleur dans la maison, nous utiliserons les murs accumulateurs. Les murs internes de la maison seront donc construits avec des matériaux accumulateurs. Si la maison comporte un étage, ce mur pourra assumer la fonction de mur de refend (c’est celui qui porte le plancher), sinon, on construira des murs massifs à la place des simples cloisons habituelles. Ces murs ne seront pas forcément directement frappés par le soleil, et ne seront donc pas les transformateurs d’énergie lumineuses en énergie calorifique. Mais ils sont au contact avec le sol accumulateur sous la maison, et agissent donc comme les ailettes d’un radiateur et dissipent la chaleur du sol dans les pièces qu’ils clôturent. En été, le fonctionnement est identique mais en sens inverse : ces murs absorbent l’énergie excédentaire et la dissipent dans le sol plus froid, permettant ainsi à la maison de garder la fraîcheur. Et en plus toute la chaleur d’été qui est dissipée dans le sol est partiellement stockée pour être renvoyée vers la maison dès que la saison chaude sera terminée !
Nous utiliserons donc systématiquement ce type de mur, quelque soit par ailleurs la technique utilisée pour les murs extérieurs de la maison. Ainsi, une maison bioclimatique en ossature bois sera toujours un hybride bois/maçonnerie puisque les murs intérieurs seront forcément maçonnés. Pour les matériaux utilisés, n’importe quel accumulateur fonctionne, mais le produit le plus simple et le meilleur marché pour le moment reste le parpaing de béton plein. C’est un piètre choix écologique, certes, mais thermiquement il fonctionne.
Détail n°3 : fenêtres et baies
Les dalles et murs intérieurs de notre maison conçu, il nous faut maintenant placer les ouvertures vitrées qui vont les alimenter en lumière solaire. Ces fenêtres seront donc de grandes dimensions, et principalement placées plein sud (environ 70% des surfaces vitrées totales de la maison). Les fenêtres ne seront pas de type spéciaux : du double vitrage peu émissif standard convient parfaitement. Par contre, la surface totale vitrée de la maison est généralement largement plus importante que dans une maison conventionnelle, c’est ce qui explique la différence de coût entre les deux (les fenêtres en elles-même n’étant pas plus chère puisqu’il s’agit des mêmes). Le matériau des fenêtres sera évidemment le bois.
Si les combles sont aménagés, l’éclairage coté sud sera réalisé par des fenêtres verticales, c’est important, car nous avons vu que c’est la meilleure disposition pour capter un maximum en hiver et un minimum en été. Nous ne mettrons donc jamais de vélux sur la partie sud d’un toit. Par contre au nord ils seront les meilleurs compromis, car une lucarne au nord n’apporte pas beaucoup de lumière. Une fois placées, ces ouvertures doivent encore être protégée du soleil d’été. Nous utiliserons la plupart du temps des brises-soleil extérieurs fixes, soit à base de plantes grimpantes à feuilles caduques, soit à base de lames de bois orientée, telles que décrites précédemment. Les ouvertures situées à l’Est et à L’Ouest ne pouvant pas être protégées par ce type d’éléments, nous chercherons à en faire le moins possible, ou alors à les réaliser de faible largeur, et sur un grande hauteur : ainsi le soleil sera partiellement arrêté par l’épaisseur même du mur, et ne pénétrera directement dans la pièce que pendant un cour laps de temps, lorsqu’il passera exactement en face de la fenêtre.
Détail n°4 : murs extérieurs
Tous nos éléments capteurs sont placés, il nous reste maintenant à placer nos matériaux isolants pour réussir à conserver l’énergie que nous captons. Et nous avons cette fois-si d’autres problèmes à résoudre en même temps : notre mur extérieur doit être étanche au vent et à la pluie, mais il doit laisser passer la vapeur d’eau venant de l’intérieur, il doit être isolant, et il doit aussi réussir à supporter le poids de la maison et résister aux aléas climatiques (tempêtes, grêle, gel, neige etc.). Réussir à résoudre tout ces problèmes avec un seul matériau n’est guère possible, les murs extérieurs seront donc toujours composés de différentes couches, aux rôles différents.
Dans le cas d’une maison en ossature bois, la structure porteuse principale sera composée de montants en bois et de panneaux de bois reconstitués (OSB, ou variantes plus écologiques). Ce panneaux sera mis du côté intérieur, car il fait un écran assez étanche à la vapeur. Entre les montants de bois, nous placerons un pur isolant (ouate de cellulose, chanvre, etc.). Cet isolant devra être d’origine biologique, c’est important car ainsi ses capacité isolantes ne seront pas inhibées par la vapeur d’eau traversant le mur. Sur l’extérieur, l’ensemble sera recouvert avec un panneau de laine de bois faisant complément d’isolant et pare-pluie. Comme il recouvre complètement le mur, il supprime toutes les faiblesses thermiques dues à la structure en bois. Ce matériau n’est pas du tout un écran à la vapeur, ainsi, notre mur est plus étanche à la vapeur du côté intérieur que du côté extérieur, ce qui permet de laisser passer la vapeur sans mettre de pare-vapeur, et sans risque de condensation car la vapeur s’échappe plus vite qu’elle n’entre. Ce mur sera recouvert du côté extérieur par une finition étanche à la pluie, par ex un bardage en bois, et du côté intérieur par l’élément qui fera finition et décor (lambris, plaque de plâtre etc.).
Dans le cas d’une maison maçonnées, le choix pour le mur se portera sur un matériau dit « monomur », qui assure à la fois la fonction porteuse et la fonction isolante. Le seul inconvénient de ces produits étant que comme ils sont assez peu isolants, ils faut le mettre en grande épaisseur. Leur pose doit également être très soignées, car il n’y aura que des enduits d’ajoutés dessus ensuite : il ne doit donc pas y avoir de vides laissés entre les blocs.
Enfin, pour que le mur puisse lui aussi laisser passer la vapeur d’eau, il devra être recouvert avec des enduits qui n’y sont pas étanche, par ex du plâtre du côté intérieur, et de la chaux du côté extérieur. Ces enduits sont très importants, car ce sont eux qui assurent l’étanchéité au vent du mur, ils doivent donc être eux aussi très soignés, notamment autour des menuiseries. Notez enfin que même si la plupart des monomur argumentent sur leur « inertie », celle-ci reste tout à fait anecdotique par rapport à un vrai matériau accumulateur plein. Comme nous l’avons vu plus haut dans ce dossier, les fonctions « isolant » et « accumulateur » sont tout à fait antinomiques. On ne peut pas avoir les deux en même temps. Donc même dans une maison maçonnée en monomur, nous n’utiliserons pas les mêmes produits pour faire les murs extérieur (monomur isolants) et les murs intérieurs (accumulateurs massifs et pleins)
Détail n°5 : toiture
La toiture ne sera pas si différente d’une toiture conventionnelle. Il n’y a que deux détails à changer :
- utiliser un isolant à base de fibres biologiques qui permet de laisser la toiture non étanche à la vapeur d’eau, sur le même principe que les murs. Il suffit ensuite de composer le couches dans le même ordre : les panneaux plus étanche du côté intérieur, l’isolant, et un pare-pluie isolant complémentaire par dessus.
- augmenter la ventilation de la sous-toiture. En été la toiture sera rapidement brûlante, et même le meilleur isolant du monde ne pourra pas empêcher éternellement la chaleur de passer, surtout si les combles sont aménagés et que la ventilation de la toiture n’est dévolue qu’à une mince lame d’air de quelques cm d’épaisseur. Il faut donc pour limiter ce problème soit augmenter la hauteur de la lame d’air (habituellement 25+25 mm, soit deux liteaux), soit augmenter le nombre de chatières de ventilation, soit les deux en même temps. Ceci permettra d’assurer une meilleure ventilation, et d’abaisser la température maximale du toit.
Détails n°6 : équipements divers
Les aspects réellement bioclimatiques sont terminés, mais la maison ne serait pas vraiment complète sans quelques systèmes pour faire les quelques appoints nécessaire que le climat ne peut nous fournir directement : eau chaude sanitaire, eau, appoint de chaleur. Nous utilisons donc habituellement un petit poêle à bois de haut rendement pour faire l’appoint de chauffage. L’eau de pluie sera récupérée et stockée dans une citerne pour alimenter tous les usages ne réclamant pas d’eau potable. Et l’eau chaude sanitaire sera partiellement solaire, grâce à un banal chauffe-eau solaire (à appoint électrique sauf si le poêle peut chauffer aussi de l’eau)
Voici donc la mise en application des principes bioclimatiques pour des maisons à coût sensiblement équivalent à des maisons classiques, mais pour une consommation de chauffage réduite des 2/3. Ces quelques exemples visent à montrer que ce type de construction ne présente pas forcément des grosses contraintes ni technologiques, ni esthétiques (ni financières).
Et voilà le travail !
bonjour,
j’ai lu tout le dossier, merci, c’est clair et concis. Nous venons d’acheter une maison construite en 70 avec très peu de doc sur la construction de la maison. Il est pourtant clair que les anciens proprios la voulait bioclimatique, en parpaing, orientée nord/sud (pente vers sud) pas de fenêtre au nord, mur accumulateur traversant est/ouest qui porte l’étage et zones tampon au nord.
bref, votre dossier m’a été d’une grande aide et si vous passez par rennes, passez nous voir
cordialement